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théâtre, lord Byron se vit chassé d’Angleterre sans qu’aucun grief positif fût articulé contre lui, sans que ses accusateurs se fussent mis d’accord sur les reproches qu’ils lui adressaient. Il rappelait lui-même avec ironie que la presse anglaise, avant de recueillir une seule information sérieuse sur la nature de ses démêlés domestiques, au premier bruit de la séparation, l’avait chargé de tous les crimes, et comparé successivement à Néron, à Epicure, à Caligula, à Héliogabale, à Henri VIII. Lady Byron, qui avait déchaîné cette tempête d’invectives, eût pu la conjurer d’un mot. Elle n’avait besoin pour cela ni de se remettre entre les mains de son mari, ni de se prêter à une réconciliation que sa dignité repoussait; il lui eût suffi de déclarer qu’elle ne reconnaissait à personne le droit d’interpréter et de juger la conduite de lord Byron, qu’elle seule était juge de leurs différends, et que, si l’affection avait pu subir quelque atteinte dans les querelles du ménage, l’estime du moins demeurait entière et réciproque. Ces simples paroles, qu’une femme de cœur n’eût pas hésité à prononcer dans une circonstance si douloureuse, eussent fermé la bouche aux calomniateurs. Lady Byron avait d’autant plus de motifs de parler que son mari ne s’exprimait sur son compte qu’avec les plus grands égards, ne lui reprochait aucun tort, et ne voulait à aucun prix que sa défense personnelle se tournât en accusation contre elle. Un tel exemple de courtoisie méritait d’être compris et imité.

Même dans cette pièce de vers que lord Byron écrivit avant de quitter son pays, qui lui fut inspirée par un retour douloureux sur le passé, une nuit où, en se promenant à travers les chambres solitaires de sa maison de Londres, il aperçut au fond d’un cabinet des parures, des robes, des objets de femme, où le souvenir de celle qu’il avait perdue vint se présenter à sa pensée avec une telle force que ses yeux se mouillèrent de larmes, il n’accusa que lui-même et ne laissa percer qu’une tristesse sans colère. « Adieu! lui disait-il, et si c’est pour toujours, eh bien ! pour toujours adieu ! Quoique tu sois sans pardon, jamais mon cœur ne se révoltera contre toi. Ah! si ce cœur était à nu devant toi, ce cœur où ta tête reposa si souvent lorsque descendait sur toi le sommeil paisible que tu ne connaîtras plus désormais! Ah! si ce cœur percé à jour par toi pouvait dévoiler ses plus intimes pensées, tu découvrirais à la fin que ce n’était pas bien de le mépriser ainsi. Dût le monde t’approuver, dût-il sourire à tes coups, ses louanges doivent t’offenser lorsqu’elles se fondent sur les douleurs d’autrui. Quoique beaucoup de défauts m’aient défiguré, ne pouvait-on trouver pour m’infliger une blessure incurable un autre bras que celui qui m’enlaçait autrefois? » Après l’époux, le père parle à son tour. « Quand les petites mains de ma