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à ce qu’il semble, le raisonnement de lady Byron lorsqu’elle se sépara de son mari. Deux lettres d’elle, adressées l’une à la sœur de Byron, l’autre au poète lui-même, quoique ne renfermant aucun détail sur les motifs de la séparation, en indiquent cependant la cause générale. « Je rappellerai seulement, écrit-elle à mistress Leigh le 3 février 1816, l’insurmontable aversion de lord Byron pour le mariage, le désir et la détermination qu’il a toujours exprimés depuis le commencement de s’affranchir de ce lien, le trouvant, disait-il, absolument insupportable, quoiqu’il avouât avec candeur qu’aucun effort de devoir ni d’affection ne lui avait manqué de ma part. Il m’a trop péniblement convaincue que toutes les tentatives faites par moi pour contribuer à son bonheur étaient complètement inutiles et lui déplaisaient même extrêmement. » Quatre jours après, elle écrivait à lord Byron : « Vous savez ce que j’ai souffert, les sacrifices que j’aurais faits pour éviter cette extrémité (celle de la séparation), et quelles fortes preuves j’ai données de mon attachement au devoir, de mon affection, en supportant avec persévérance les épreuves les plus pénibles. En repassant sérieusement et sans passion dans mon esprit les misères dont j’ai fait l’expérience, presque sans intervalle, depuis le jour de mon mariage, je me suis en définitive déterminée à me séparer de vous... Vous êtes malheureusement disposé à considérer ce que vous possédez comme sans valeur, et ce que vous avez perdu comme hors de prix; mais rappelez-vous que vous vous déclariez vous-même très malheureux pendant que j’étais à vous. »

Lord Byron était donc mieux informé en réalité qu’il ne paraissait l’être des causes générales de la séparation. Il ne pouvait oublier non plus les accès de violence auxquels il s’était laissé emporter peu de temps avant les couches de lady Byron. La correspondance de celle-ci et de mistress Leigh nous révèle de tristes scènes d’intérieur. Byron, poursuivi par ses créanciers, hors d’état de les payer, exposé à des saisies domiciliaires et à de fréquentes humiliations, s’en prenait à son entourage, au lieu de s’en prendre à lui-même, du fâcheux état de ses affaires. Jamais peut-être, à aucune époque de sa vie, il ne fut plus irrité ni plus irritable que dans ces momens de crise domestique. Sa femme raconte de lui des traits de fureur tout à fait en désaccord avec ce que nous savons de sa bonne grâce habituelle dans ses relations d’amitié et dans ses relations d’amour. Une nuit qu’au nom de la loi un huissier occupait son appartement, il quitta lady Byron comme un forcené, accusant sa femme de l’avoir épousé malgré lui, se déclarant affranchi de tout devoir envers elle, la rendant responsable des actes de désespoir auxquels il menaçait de se livrer. Le moins qu’il pût faire, disait-il, serait de sortir de la maison et de noyer ses chagrins dans l’ivresse.