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où ses soldats révoltés manquèrent assassiner tout le sénat ; des femmes faisaient partie de ce groupe de gens distingués et vertueux qui assistaient aux derniers entretiens de Thraséa. Dans les municipes, quand un magistrat généreux donnait à dîner à ses concitoyens, ces repas réunissaient souvent les habitans des deux sexes. Les femmes aussi prenaient place dans les nombreux festins que célébraient partout les corporations. Qu’elles aient quelquefois abusé de ces occasions qu’elles avaient de courir le monde pour donner des rendez-vous, que dans ces dîners, où les convives se croyaient tout permis, elles aussi aient offert quelquefois de fâcheux spectacles, Juvénal le dit, et on peut le croire ; mais on peut croire aussi que le plus grand nombre s’y conduisait autrement. À tout prendre, il vaut mieux qu’on les y ait admises, et leur présence a fini par y introduire plus de décence et de retenue.

On leur reproche encore leurs prodigalités. « Il semble vraiment, dit Juvénal, qu’elles croient que les écus repoussent dans le coffre à mesure qu’on les dépense. Jamais elles ne calculent ce qu’un plaisir peut leur coûter. » Les riches achètent à des prix insensés les coupes de cristal, les vases murrhins ; les autres vendent l’argenterie de famille pour louer des habits et des suivantes quand elles vont au théâtre. Ne pas savoir mesurer son train à sa fortune, se ruiner et s’endetter pour briller plus qu’on ne le peut, « manquer de respect à sa pauvreté, » suivant la belle expression de Juvénal, c’est un vice de tous les temps. Admettons, si l’on veut, que cette époque en ait souffert plus que les autres ; cependant, parmi les dépenses dont on fait un crime aux femmes, il en est dont elles se justifieraient aisément. Elles ont pris part dans une large mesure à cet élan de générosité qui sembla s’emparer par momens de la société romaine sous l’empire. Sans être aussi directement mêlées que l’homme aux affaires de leur cité, nous venons de voir qu’elles n’y sont pas non plus tout à fait étrangères. Dès lors elles se croient obligées aux mêmes munificences envers leurs concitoyens. Une femme riche tient à honneur de faire participer tout le municipe qu’elle habite aux événemens heureux qui réjouissent sa maison. Pudentilla, qui épousa le philosophe Apulée, avait distribué au peuple d’une petite ville d’Afrique 50,000 sesterces (10,000 francs) à l’occasion du mariage de son fils. Il arrive même quelquefois que leurs largesses semblent inspirées par la bienfaisance plus que par la politique et la vanité. Dans l’inscription funéraire d’une femme de Numidie, après avoir dit a qu’elle n’a eu qu’un mari, qu’elle a été chaste, rangée, irréprochable, » on ajoute « qu’elle était une mère pour tout le monde, qu’elle venait au secours de tous les malheureux et qu’elle n’a rendu triste personne, omnium hominum