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pour ne pas paraître malpropre. Il faut qu’elle s’entoure de servantes d’un âge respectable, dont le seul aspect écarte les galans. Il convient qu’elle marche toujours les yeux baissés. Quand elle trouve un de ces empressés qui saluent toutes les femmes qu’ils rencontrent, il vaut mieux qu’elle paraisse impolie que de sembler engageante. Si elle ne peut se dispenser de rendre le salut, qu’elle le fasse avec confusion et le rouge au front. Que son attitude soit telle que, si l’on est tenté de lui faire des propositions peu honnêtes, son visage dise non bien avant sa parole. Voilà comment elles devraient se garder elles-mêmes pour décourager d’avance les amoureux ; mais au contraire voyez-les se présenter le visage paré de séductions, à peine un peu plus vêtues que si elles n’avaient pas de vêtemens (paulo obscurius quam posita veste nudœ), avec un langage si enjoué, un air si caressant qu’il donne à tout le monde l’audace de s’approcher, et puis soyez surpris, quand elles révèlent leurs honteux désirs par leur toilette, leur démarche, leurs paroles, leur visage, qu’il se trouve des gens qui ne savent pas se dérober à ces effrontées qui tombent sur eux ! » Il peut bien se faire que Porcius Latro, quoiqu’il eût l’habitude de déclamer, n’ait pas tracé un portrait de fantaisie ; mais ces défauts qu’il reproche aux femmes, et que tout le monde leur reproche comme lui, sont de ceux qu’il est difficile d’éviter quand on ne les enferme pas dans un gynécée. On dirait vraiment que les moralistes et les satiriques de ce temps regrettent qu’on les en ait laissées sortir. Ils ne peuvent pas s’accoutumer à les voir libres, indépendantes, mêlées au monde et aux affaires, et ne cessent de leur en faire un crime. Ce n’était pourtant pas tout à fait une nouveauté, comme on le prétendait : elles ont toujours été moins retenues à Rome que dans la Grèce. Quoique la matrone romaine se fasse honneur dans son épitaphe « d’être restée chez elle, » nous savons qu’elle n’avait pas trop de scrupule ni de difficulté à quitter sa maison. Elle accompagnait son mari dans les dîners où il était invité, et la seule différence qu’on remarquât entre eux, c’est qu’elle s’asseyait sur une chaise à la manière ancienne tandis qu’il prenait son repas couché d’après l’usage des Grecs. Les jeunes filles y venaient aussi avec leurs parens, seulement on nous dit qu’on avait la précaution de les faire sortir au dernier service, « de peur que leur oreille chaste n’entendît quelque propos inconvenant. » La réclusion des femmes, comme on voit, n’était pas très sévère sous la république ; elle le devint bien moins encore sous l’empire. Elles vont alors partout, et on les rencontre dans toutes les réunions publiques et privées. À Rome, les princes reçoivent à leur table les épouses des sénateurs avec leurs maris. Il y avait des femmes dans ce dîner qu’Othon donnait aux plus grands personnages de l’empire le jour