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veau culte ou celui de leur famille et de leur jeunesse. Si elles n’hésitèrent pas dans leur choix, ce n’est pas, comme on l’a prétendu, parce que leur ancienne religion ne s’occupait pas assez d’elles et ne leur faisait pas une place qui leur suffît ; leur préférence tenait à d’autres causes qui leur font plus d’honneur et qu’il est inutile d’énumérer ici.

III.

La question de l’éducation des femmes est intimement liée à une autre, beaucoup plus grave, celle de leurs droits. Nous voyons qu’aujourd’hui on les agite ordinairement toutes les deux ensemble ; en Allemagne, aux États-Unis et presque partout, elles sont l’une et l’autre l’objet de discussions violentes. Il est évident qu’on ne réclame pour la jeune fille une instruction plus complète, plus étendue, plus approfondie, qu’afin de lui donner le moyen d’exiger plus de place et d’importance dans la société. L’antiquité, qui discuta sur tant de choses, où tant de systèmes furent soutenus et tant de problèmes soulevés, paraît s’être assez peu occupée de ces questions délicates. Tout le monde sait qu’à Rome surtout la situation des femmes n’était pas bonne ; on est même tenté de la croire beaucoup plus mauvaise qu’elle ne l’était réellement. On suppose volontiers qu’on les y traitait à peu près comme des esclaves, et l’on croit qu’il n’a pas fallu moins qu’une révolution sociale et religieuse pour les émanciper. C’est l’opinion de ceux qui jugent uniquement Rome d’après ses lois. Il est sûr que la loi romaine est très dure pour les femmes. « Nos aïeux, dit Tite-Live, ont défendu à la femme de s’occuper même d’une affaire privée sans avoir quelqu’un qui l’assiste. Ils ont voulu qu’elle fût toujours sous la main de son père, de ses frères, de son mari. » Quand on songe « à cette servitude légale qui pèse sur elle et n’a pas de fin, » on ne peut s’empêcher de s’apitoyer sur son sort ; mais on se rassure vite, si, au lieu de s’en tenir à des textes de lois, on étudie le monde et la vie. Là au contraire son rôle est considérable, on l’entoure d’honneurs et d’égards, elle est respectée de son mari, vénérée des enfans, des esclaves, des cliens, maîtresse de la maison. La loi et l’usage se trouvent donc ici en désaccord, et dans ce conflit c’est la loi qui en définitive a été vaincue. Les jurisconsultes eux-mêmes le constatent : ils avouent que cette esclave, qui légalement ne peut disposer de rien et qu’on retient dans une tutelle éternelle, se trouve être en réalité l’associée, la compagne, presque l’égale du mari. Elle siège, je dirais volontiers elle trône avec lui dans l’atrium, près du foyer domestique. L’atrium n’était point, comme le gynécée, un appartement