Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/523

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ici, on ne parle que du mariage de lady Florence Paget, la beauté de Londres, il y a deux saisons. Il est impossible de voir une plus jolie figure sur un corps plus mignon, trop petit et trop mignon pour mon goût particulier. Elle était célèbre pour ses flirtations. Le neveu de M. Ellice, M. Chaplin, dont vous m’avez souvent entendu parler, un grand garçon de vingt-cinq ans et vingt-cinq mille livres sterling de rente, est devenu amoureux d’elle. Elle l’a lanterné longtemps, puis s’est engagée, comme on dit, en a reçu des bijoux et six mille livres sterling pour payer ses dettes chez sa couturière. Jour pris pour le mariage. Vendredi dernier, ils sont allés ensemble au parc et à l’Opéra. Samedi matin, elle est sortie seule, est allée à l’église Saint-George et s’y est mariée avec lord Hastings, un jeune homme de son âge, très laid, ayant deux petits défauts, le jeu et le vin. Après la cérémonie religieuse, ils sont allés à la campagne procéder à l’accomplissement des autres cérémonies. A la première station, elle a écrit au marquis son père : Dear Pa, as I knew you would never consent to my marriage with lord Hastings, I was wedded ta him to day. I remain yours, etc. Elle a aussi écrit à M. Chaplin : Dear Harry, when you receive this, I shall be the wife of lord Hastings. Forget your very truly FLORENCE. — Ce pauvre M. Chaplin, qui a six pieds et les cheveux jaunes, est au désespoir.

Adieu, chère amie; répondez-moi vite.


Paris, 13 octobre 1865.

Chère amie, j’ai trouvé votre lettre hier en arrivant de Biarritz, d’où leurs majestés m’ont ramené en assez bon état de conservation. Cependant le premier welcome de mon pays natal n’a pas été fort aimable. J’ai eu cette nuit une crise d’étouffemens des plus longues que j’eusse essuyées depuis longtemps. C’est, je pense, le changement d’air, peut-être l’effet des secousses des treize ou quatorze heures de chemin de fer très secouant. Il me semblait être dans un van. Ce matin, je suis mieux. Je n’ai encore vu personne, et je ne crois pas qu’il y ait personne encore à Paris. J’ai trouvé des lettres lamentables de gens qui ne me parlent que du choléra, etc., qui m’engagent à fuir Paris, Ici, personne n’y pense, à ce qu’on me dit, et de fait, je crois que, sauf quelques ivrognes, il n’y a pas eu de malades sérieux. Si le choléra eût commencé par Paris, probablement on n’y aurait pas fait attention. Il a fallu la couardise des Marseillais pour nous en avertir. Je vous ai fait part de ma théorie au sujet du choléra : on n’en meurt que lorsqu’on le veut bien, et il est si poli qu’il ne vient jamais vous visiter qu’en se faisant précéder par sa carte de visite, comme font les Chinois.

J’ai passé le temps le mieux du monde à Biarritz. Nous avons eu la visite du roi et de la reine de Portugal. Le roi est un étudiant