Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prêté à ses propositions d’appel au peuple. L’empire, reprenant son assurance, observe toutes les divisions et se tient prêt à en profiter ! Raison de plus, raison décisive pour que tous les esprits libéraux, conservateurs, du centre droit, du centre gauche, se rallient à cette pensée d’apaisement qui peut trouver son expression dans le vote de la prorogation et des lois constitutionnelles.

Qu’un gouvernement régulier soit fondé, ce n’est point certes le travail qui peut lui manquer. Il a immensément à faire, et d’un pouvoir représenté par M. le maréchal de Mac-Mahon, on peut sans doute attendre des soins particuliers pour notre organisation militaire, une impulsion nouvelle donnée à l’armée. Assurément l’armée française est toujours ce qu’elle doit être, obéissante, fidèle et pénétrée du sentiment du devoir. Est-ce à dire que tout soit pour le mieux ? Nous l’avouons franchement, il y a des symptômes récens que nous aimerions autant ne pas voir dans cette vaillante et honnête armée, de même qu’il y a des habitudes studieuses et disciplinées que nous serions heureux de voir renaître, ou se fortifier. Que des généraux, cédant à la tentation universelle, se jettent dans la mêlée des partis, qu’ils fassent des professions de foi politiques, qu’ils se présentent comme candidats aux élections, ils sont libres jusqu’à un certain point ; mais, pourquoi ne pas le dire ? ils seront toujours mieux placés dans leurs commandemens, et le plus sage serait de faire revivre des propositions parlementaires faites plus d’une fois déjà pour déclarer l’incompatibilité entre les fonctions de député et les fonctions militaires. Nos généraux ont assez à faire, s’ils le veulent, et leur mission est assez noble pour qu’ils ne se laissent pas détourner par la politique. Ils ont à reconstituer nos forces, à remettre en honneur, dans l’armée le goût du travail, l’esprit de précision et de méthode, et s’il fallait un exemple de plus, on a sous les yeux ce triste procès du maréchal Bazaine qui se déroule à Trianon, qui est dirigé par le duc d’Aumale avec une sûreté, un tact, un sentiment de l’honneur français qui relèvent le cœur au milieu de ces lamentables scènes. M. le duc d’Aumale a révélé dans ces fonctions ingrates de président d’un conseil de guerre tout ce qu’il y a en lui d’élévation, de ressources d’esprit. Quelle sera l’issue de ce procès ? Nous ne le chercherons pas. Ce qui est certain dès ce moment, c’est que dans beaucoup de ces dépositions, qui se succèdent on peut lire la cause de nos désastres. Oui, vraiment, sans vouloir insister, il y a beaucoup à faire pour l’instruction, pour la régénération de notre armée, et c’est là que nos généraux ont leur grand, leur noble devoir à remplir, non dans la politique.

Heureux sont les peuples qui au bout des longues luttes reçoivent le prix de leurs efforts et qui savent s’honorer eux-mêmes en honorant ceux qui les ont servis. Un de ces derniers jours, l’Italie tout entière était d’âme et de cœur dans cette honnête et patriotique ville de Turin, qui fut le berceau de ses destinées nouvelles ; elle se trouvait réunie,