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en réalités, lorsque tout à coup, aux derniers jours d’octobre, M. le comte de Chambord, par sa lettre à M. Chesnelong, venait souffler sur ce rêve monarchique en se montrant une fois de plus dans son inflexibilité, en se chargeant lui-même de préciser sa propre pensée, en désavouant toute intention d’adopter le drapeau national ou de souscrire à des pactes constitutionnels. C’était le roi avec son dogme, avec son drapeau, rien de plus, rien de moins. Que M. le comte de Chambord, après avoir laissé entrevoir au premier moment des dispositions plus conciliantes, reculât maintenant devant des concessions dont il se sentait froissé, qu’il eût au fond peu de goût à ceindre une couronne qui fut pour plus d’un de ses aïeux une couronne d’épines, ou bien qu’il voulût tout simplement rétablir l’intégrité d’une pensée mal comprise, mal interprétée, la situation était la même ; plus que jamais l’incompatibilité éclatait entre le représentant de la royauté traditionnelle et le pays, tous les ombrages, tous les doutes de l’instinct national et libéral se trouvaient ainsi justifiés. Assurément cette manifestation nouvelle de M. le comte de Chambord n’était pas faite pour refroidir le zèle des légitimistes purs, qui se montraient plutôt étonnés et affligés des concessions attribuées pendant quelques jours au prince. Ni M. de Franclieu, qui espère toujours le retour de la France à la royauté, ni M. de Belcastel, qui attend la « démonstration des miracles, » n’étaient hommes à se laisser décourager et atteindre dans leur fidélité au « roi. » Pour les constitutionnels, pour le centre droit, c’était autre chose. Toutes les combinaisons fondées sur cette espérance d’une restauration libérale, parlementaire, avec un souverain légitime au sommet, s’écroulaient brusquement, et, par une fatalité de plus, depuis l’entrevue du 5 août, depuis la réconciliation dynastique, la royauté constitutionnelle n’avait plus même de représentant distinct avoué. Évidemment la déception était cruelle. Au moment où l’on croyait toucher le but, lorsqu’on avait déjà préparé le projet de décret rétablissant la royauté, on voyait tout manquer. La monarchie était impossible, on le sentait ; on ne pouvait pas même s’arrêter à l’idée de mettre la question en délibération, tant le résultat semblait désormais infaillible.

Que faire alors ? A vrai dire, rien n’était peut-être plus simple, si on l’avait voulu, si on avait envisagé les choses avec quelque sang-froid, si on avait consenti, puisqu’on n’avait pu réaliser ce qu’on voulait, à faire ce qu’on pouvait. On venait de passer deux mois à démontrer qu’il fallait en finir avec un régime précaire sous lequel la France périssait, on avait voulu restaurer la monarchie, et la monarchie était devenue impossible. D’un autre côté, on ne voulait pas livrer le pays au radicalisme envahissant, et on ne pouvait pas non plus laisser, la France en quelque sorte dans le vide, avec un provisoire qu’on s’était évertué à discréditer. Dés lors la conséquence était claire ; les élémens d’une so-