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Ce n’était pas seulement aux particuliers que les banquiers prêtaient moyennant certaines garanties ; ils faisaient aussi des avances à la cité, ils souscrivaient des emprunts d’état. Sans doute ils s’arrangeaient pour y trouver leur compte ; mais pourtant, à ce qu’il semble, souvent ils faisaient au trésor des conditions de faveur. Parfois même ils aidaient la république par des dons volontaires ; tantôt ils lui offraient de l’argent, tantôt des armes ou d’autres approvisionnemens de guerre. C’est qu’ils avaient un intérêt majeur à devenir populaires. Débiteurs et créanciers d’un grand nombre d’étrangers et de citoyens, ils avaient assez souvent des procès. On sait quelle influence exerçaient sur les décisions des grands jurys athéniens, dont les membres se comptaient par centaines, les sentimens personnels des juges, leurs sympathies et leurs antipathies. Il ne fallait point que les adversaires des trapézites pussent les représenter devant le tribunal comme d’avides spéculateurs qui s’enrichissaient aux dépens de la cité. Enfin la plupart des banquiers n’étaient, du moins au début de leur carrière, que des affranchis ou des métèques, et ils aspiraient au titre de citoyen.

Quand, après les guerres médiques, le commerce et l’industrie avaient pris chez les Athéniens un soudain essor, quand la fortune mobilière avait acquis en Attique une subite et nouvelle importance, les opérations de banque avaient été inaugurées à Athènes par des étrangers. C’était dans les cités ioniennes, encore prospères malgré la conquête perse, ou dans l’opulente Corinthe, alors la première puissance navale du monde grec, que ceux-ci avaient appris le métier. Les trapézites avec qui les orateurs nous mettent en relation sont tous d’origine servile. Partout, dans les services publics comme dans les ateliers industriels et les maisons de commerce, des esclaves étaient employés comme ouvriers et comme surveillans, comme copistes et commis. Était-on laborieux et intelligent, on parvenait bien vite à se faire affranchir ; dès lors on jouissait tout au moins des droits civils, on pouvait succéder à son ancien maître. On ne se souciait pas, une fois chef de maison, de rester cantonné dans la classe des étrangers domiciliés, d’être toujours astreint, pour ester en justice et pour accomplir certains actes de la vie civile, à réclamer la présence et l’intervention d’un répondant, d’un patron choisi parmi les citoyens ; on voulait devenir citoyen. Or même au IVe siècle la cité était encore très fermée : pour en ouvrir les portes, il fallait une loi, et le peuple n’était point prodigue de cette faveur. Ceux qui obtenaient le plus aisément ce titre, c’étaient les princes étrangers, ces petits souverains du Bosphore cimmérien et de la Thrace qui assuraient aux Athéniens sur leurs marchés des avantages commerciaux ; c’étaient les Grecs influens, les chefs de parti qui pouvaient amener leur ville à l’alliance d’Athènes ; c’étaient