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échelle toutes les opérations auxquelles peuvent donner lieu le commerce des métaux précieux, bruts ou monnoyés, et les diverses formes du crédit. Les capitaux que créent le travail de la terre, l’industrie et le négoce viennent se concentrer dans leurs caisses, comme chez nous dans les banques de dépôt ; par leur entremise, de ceux qui les ont produits ils passent à ceux qui, pour produire à leur tour, en sollicitent l’usage et offrent d’en payer le loyer. Le banquier sert des intérêts aux déposans ; il en touche de ceux auxquels, sous sa responsabilité, il a confié les sommes dont il était dépositaire ; il bénéficie de la différence. Parfois aussi il fait des avances sur dépôt d’objets précieux, tels que bijoux, coupes et couronnes d’or. Les cliens de la banque jouissent encore d’un autre avantage, ils peuvent faire leurs paiemens par son intermédiaire.

Ce qui chez les Athéniens favorisait singulièrement les affaires et donnait au commerce de l’argent et du crédit une activité tout exceptionnelle et très féconde, c’est que le taux de l’intérêt y était affranchi de toute fixation, de toute restriction légale ; Lysias nous cite à ce propos, en les expliquant, les propres termes de la vieille loi de Solon. Ainsi, au milieu de toutes ces grossières erreurs économiques où est tombée l’antiquité, avec les législateurs, comme à Sparte et dans bien d’autres cités, avec les philosophes, comme dans les utopies platoniciennes, l’esprit pratique du législateur athénien avait vu tout d’abord la vérité : il avait compris que l’argent est une marchandise comme les autres, dont le prix s’élève en raison inverse de son abondance sur le marché et en raison directe de la demande. Ce principe si juste, que l’Angleterre a proclamé depuis longtemps déjà mais que la science moderne n’a pu faire passer encore dans la loi française, Solon l’avait posé à Athènes dès le commencement du VIe siècle avant notre ère. Nous sommes donc en droit de chercher dans cette espèce d’intuition, dans cette vue sensée, dans cette loi bien faite, une des causes qui expliquent l’essor industriel et commercial d’Athènes. Les capitaux de la Grèce entière tendaient à venir s’amasser sur ce marché, où ils étaient sûrs de trouver un loyer très avantageux, que limitaient seuls les besoins de la place et les effets naturels de la concurrence. L’intérêt annuel variait, suivant les circonstances, entre 12 et 18 pour 100, mais c’était par mois qu’il se calculait d’ordinaire. On disait d’un prêt qu’il avait été conclu à 1 drachme, ou bien à 7, 8 ou 9 oboles par mine. Dans certaines opérations où les bénéfices étaient considérables en cas de succès, le capital louait bien plus cher encore son concours : il en était ainsi en matière de prêts maritimes ou prêts à la grosse aventure. Le prêteur n’étant garanti de ses avances que par le corps, du navire et par la cargaison, qu’un coup de vent suffisait à détruire, courait de grands risques, il était juste qu’il les