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observations. Comment ne pas tirer du passé une comparaison instructive avec le présent ? Tandis qu’en 1814 la Banque cesse de fonctionner, voit ses réserves descendre à 5 millions, la circulation à 10 et les comptes-courans à 1,300,000 francs, en février 1848 l’encaisse, qui était de 226 millions, décroit jusqu’à 59 : le 15 mars, on venait de payer encore sur ce faible stock 10 millions en numéraire ; ce jour-là le gouvernement prit le parti d’établir le cours forcé et de créer les coupures de 100 francs. La mesure avait pour but non pas de supprimer la circulation en espèces, mais de réserver le numéraire pour les besoins du trésor, du commerce et surtout pour l’achat des subsistances ; dans cette intention, la Banque, en 1848, acheta 40 millions de lingots, livré au trésor 105 millions en numéraire, au commerce de la capitale pour les ouvriers 158 millions, dans les succursales 31, à l’industrie, en général 201, en tout 506 millions d’écus. Le cours forcé n’entravait donc guère la circulation métallique, il ne servait qu’à la régler : dès la fin de 1848, l’encaisse était remontée à 280 millions.

Une triste coïncidence contribuait d’ailleurs à rendre les paiemens en espèces plus faciles, c’était la diminution des opérations de la Banque elle-même et des affaires en général. En 1848, en 1849, en 1850, l’escompte fléchissait de plus en plus ; à la Banque centrale, il tombait de 1,329 millions à 672 et à 256. Avec cette pénurie d’affaires, la réserve métallique allait sans peine en croissant ; à la fin de l’année 1849, elle était de 430 millions ; en janvier 1850, l’encaisse n’était inférieure à la circulation que de 20 millions ; — L’abolition du cours forcé put donc avoir lieu le 6 août 1850 sans produire aucun effet sensible, et quelques mois plus tard on vit l’encaisse à 626 millions, dépasser même de 110 millions la circulation des billets.

Dans cette période, on peut dire que la question du papier-monnaie ne fut pas soulevée. Il n’en a pas été de même en 1870-1871. D’abord l’argent, sans être plus rare ou plus effrayé, est devenu d’une circulation plus difficile, le pays étant occupé par l’ennemi et de grands espaces du territoire demeurant séparés les uns des autres. Chacun dans sa localité, comme on fait dans une place de guerre avec les objets de toute nature que les collectionneurs appellent des monnaies obsidionales, se créait un moyen d’échange. Partout on fabriqua des billets pour les paiemens. En général, les chambres de commerce, d’accord avec les conseils municipaux des grandes villes, émirent une certaine somme de petits billets qui eurent facilement cours, au nord comme au midi, à Bordeaux comme à Rouen. Les villes industrielles telles que Louviers, Elbeuf, assurèrent par ce moyen la paie des ouvriers. En beaucoup d’endroits, l’argent prussien servit aux appoints ; on vit dans