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à la révolution ; par son traité du 26 mai 1849 comme par l’institution du parlement d’Erfurt, il avait essayé de mettre l’Autriche en dehors de la communauté germanique afin de dominer cette Allemagne où la Prusse ne rencontrerait plus de puissance rivale. C’était précisément ce qu’avait voté le parlement de Francfort. A son tour, le prince de Schwarzenberg entreprit d’exclure la Prusse, ou du moins de l’annuler, de paralyser ses mouvemens, de la ramener au rang des états secondaires, d’en faire quelque chose comme la Bavière ou la Saxe. Voilà en réalité le résultat que préparait la convention d’Olmutz. Dans les deux cas, c’était une politique violente et contraire à la nature des choses. Seize ans plus tard, la journée de Sadowa détruit l’œuvre d’Olmutz ; le traité de Nicholsbourg rejette hors de l’Allemagne la vieille monarchie des Habsbourg. C’est une violence nouvelle, une nouvelle atteinte à l’ordre naturel des choses ; et qu’est-ce que cet ordre naturel sinon la légitimité par excellence ? M. de Schwarzenberg était mort presque au lendemain de cette victoire dont il avait usé sans modération et sans équité. Depuis, un autre Schwarzenberg s’était levé en Allemagne, mais cette fois dans le camp adverse. Le Schwarzenberg prussien avait le même génie que le Schwarzenberg autrichien, la même trempe de caractère, la même audace, la même ténacité, le même dédain du juste, la même confiance absolue dans le droit du canon. C’est lui qui triomphe depuis plus de sept années.

Pour consoler et raffermir les esprits qui souffrent de la violation du droit, il n’était peut-être pas inutile de rappeler comment a triomphé en 1850, comment a péri seize ans plus tard la création de l’homme qui a été tout ensemble l’aiguillon et le modèle du vainqueur d’aujourd’hui. Nous n’en dirons pas davantage. On a pu affirmer en Allemagne que la force prime le droit ; nous affirmons, nous, avec l’esprit de la France et d’après les exemples tirés de l’histoire contemporaine de l’Allemagne, que le droit méconnu finit infailliblement par avoir son jour ; — heureux si, dans son ardeur de revanche, il ne devient pas l’injustice à son tour et n’attire pas sur lui les châtimens qu’il a infligés à d’autres. C’est notre Pascal qui l’a dit : « la violence n’a qu’un cours borné, au lieu que la vérité subsiste éternellement. » Ce principe n’appartient pas seulement aux sphères sublimes de la pensée, il a aussi son application sur la scène changeante de la politique. Une récente histoire nous en a fourni de bien dramatiques témoignages : évidemment ce ne seront pas les derniers.


SAINT-RENE TAILLANDIER.