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occuper militairement les routes d’étapes ; ces routes lui sont ouvertes en de certains cas par les traités de la confédération, elle a le droit de s’en servir pour un but déterminé, elle n’a pas le droit de s’y établir. Son droit n’est qu’un droit de passage. » Évidemment le prince de Schwarzenberg, en contestant ainsi à la Prusse ce qui n’était qu’un simulacre de pouvoir, une vaine satisfaction d’amour-propre, voulait savoir jusqu’où irait sa résignation. M. de Manteuffel a consenti à la dissolution de l’union, il a consenti à voir l’Autriche exécuter sous ses yeux les arrêts de la diète dans la question hessoise ; il est tout prêt d’avance à concéder l’abandon des routes d’étapes. Il cherchera seulement à traîner les choses en longueur, en demandant, ce que nul ne conteste, la reconnaissance formelle du droit de la Prusse à se servir des routes d’étapes dans les cas prévus par les lois.

Ainsi, de concessions en concessions, la Prusse avait livré la Hesse, déserté l’union, renié ses engagemens, déchiré ses programmes, lorsque Frédéric-Guillaume IV fut appelé, le 21 novembre 1850, à ouvrir la session législative. Au moment de paraître devant les chambres, l’ami de Bunsen et de Radowitz eut-il tout à coup un sentiment plus amer de ses humiliations ? Voulut-il simplement répondre aux frémissemens de l’opinion et détourner les colères publiques ? C’est peut-être l’un et l’autre ; en tout cas, il prononça un discours très ferme qui fut considéré en Allemagne comme une annonce de guerre. Le roi rappelait d’abord, directement ou par allusion, les principaux traits de la situation générale, la fin du système de l’union restreinte, la nécessité de poursuivre le même but par d’autres voies, puis après avoir signalé les affaires de la Hesse, cause de malentendus si graves, il élevait le ton pour montrer la nation tout entière courant aux armes à son appel :


« J’ai appelé toute la force guerrière du pays ; c’est avec joie, avec orgueil, que je vois toute la partie de mon peuple apte à porter les armes se lever comme un seul homme et se joindre à mon armée, dont la bravoure et la fidélité sont éprouvées. En très peu de temps, nous nous trouverons plus forts qu’à aucune autre époque des temps anciens ou récens. Nous ne cherchons pas la guerre, nous ne voulons porter atteinte aux droits de personne, nous ne voulons imposer nos propositions à qui que ce soit ; mais nous exigeons une organisation de la patrie commune qui soit conforme à notre position actuelle en Allemagne et en Europe, et réponde à l’ensemble des droits que Dieu a mis dans nos mains. Nous avons pour nous le bon droit, nous le défendrons ; nous resterons sous les armes, solides et prêts à tout jusqu’à ce que nous soyons sûrs que ce bon droit est reconnu. Nous le devons