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proposait de rejeter en bloc, fut votée en bloc. C’était une double manifestation des députés d’Erfurt, réponse au prince de Schwarzenberg, réponse à M. de Radowitz ; mais quel embarras pour la Prusse ! Quel coup de mort pour l’union restreinte ! La Prusse ne pouvait ni accepter ni rejeter cette constitution ; l’accepter, c’était une guerre prochaine avec l’Autriche, et aux yeux de Frédéric-Guillaume IV une telle guerre eût été une guerre impie ; la rejeter, c’était l’abdication de la Prusse, la fin de l’union restreinte, l’ajournement indéfini des espérances de l’Allemagne. Que fit le gouvernement prussien ? Il essaya de dissimuler ses perplexités en déclarant que le parlement d’Erfurt avait terminé sa tâche, et que le collège des princes, un autre organe de l’union, allait commencer la sienne. En réalité, c’était la dissolution du parlement d’Erfurt. Personne ne s’y trompa ; les hésitations, les défaillances, et finalement la déroute de la Prusse à Erfurt, tout cela était l’œuvre de l’audacieux ministre qui dirigeait alors la politique autrichienne. On peut dire que le parlement d’Erfurt, ouvert le 20 mars 1850 par M. de Radowitz, a été dissous le 29 avril par le prince de Schwarzenberg.


III

La ténacité du prince de Schwarzenberg était au niveau de ses hardiesses. Les hommes de cette trempe ne s’endorment pas sur une victoire. Tout en portant le coup de mort au parlement d’Erfurt, le ministre autrichien faisait inviter tous les états de la confédération à envoyer leurs plénipotentiaires à Francfort « pour y tenir une assemblée plénière sous la présidence des plénipotentiaires autrichiens. » En d’autres termes, il restaurait l’ancienne diète. Rendre impossible la prolongation du parlement d’Erfurt et au même moment rétablir à Francfort la diète de 1815, voilà bien une de ces manœuvres où éclatait son génie. Le hardi joueur faisait coup double. De tout ce qu’avait produit le mouvement national de l’assemblée de Francfort, il ne restait plus que le souvenir.

Qu’est-ce en effet que ce collège des princes rassemblé à Berlin le 10 mai 1850 ? Il suffit de nommer les personnes souveraines réunies dans ce conseil pour montrer que l’Allemagne y est représentée d’une façon très insuffisante. Voici l’électeur de Hesse, le grand-duc d’Oldenbourg, le grand-duc de Saxe-Weimar, le duc de Brunswick, les ducs de Saxe-Cobourg-Gotha, d’Altenbourg et de Meiningen, le duc d’Anhalt-Dessau, les princes de Schwarzbourg-Sondershausen et de Schwarzbourg-Rudolstadt, les princes de Reuss-Greitz et de Reuss-Schleiz, les représentans des villes libres, la princesse de Waldeck, le prince héréditaire de Mecklembourg-Strelitz et le prince héréditaire de Lippe-Schaumbourg. La liste est longue et les