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éclat ; elle résiste également à toute tentative d’intimidation, directe ou indirecte. Nos adversaires politiques nous font un reproche qui serait bien grave, s’il était fondé ; ils disent que notre manière de procéder dans la question allemande rouvre la porte à la révolution. Pour nous, après un mûr examen, nous sommes précisément persuadés du contraire ; ce sont nos adversaires politiques qui, par ce qu’ils font et par ce qu’ils ne font point, laissent à la révolution une porte toujours ouverte. »

Quand M. de Radowitz tenait ce ferme langage, il ne s’adressait pas seulement au parti libéral-national, c’est-à-dire aux hommes qui avaient siégé à Francfort dans les rangs du centre, et qui essayaient de recommencer leur œuvre à Erfurt ; en cherchant à satisfaire ce parti pour le modérer et le conduire, il espérait aussi soutenir la pensée défaillante de Frédéric-Guillaume IV. C’était pour engager le roi qu’il faisait des déclarations si nettes. Vains efforts ! le prince de Schwarzenberg, épiant toutes les démarches, pesant toutes les paroles du commissaire-général, ne négligeait aucune occasion de faire sentir à Berlin que rien ne lui échappait. Il envoyait des notes, il demandait des explications. Frédéric-Guillaume, soit crainte d’une guerre civile, soit scrupule de conscience, était sans cesse déconcerté par cette attitude du ministre autrichien. M. de Radowitz n’était-il pas allé trop loin ? ne fallait-il pas mettre plus de soin à ménager l’empire des Habsbourg ? Sur ce doute, il adressait de nouvelles instructions à son ami. C’étaient de perpétuels contre-ordres. M. de Radowitz était obligé d’atténuer ses paroles de la veille, de rétracter ses engagemens ; il s’y résignait avec un dévoûment aveugle. La liste est longue de ces démentis que le serviteur de Frédéric-Guillaume IV dut s’infliger à lui-même devant le parlement d’Erfurt. Un des plus singuliers, ce fut sa conduite au sujet de la constitution de l’empire. Cette constitution avait été rédigée dès l’année précédente, elle formait une annexe au traité du 26 mai 1849, c’est pour la discuter, pour la perfectionner, pour la voter, que le conseil de l’union restreinte avait convoqué le parlement ; or, les débats une fois ouverts, le gouvernement prussien la trouva trop libérale, trop démocratique, et engagea ses amis à la combattre. L’amender, c’était trop peu ; il fallait la rejeter en bloc, afin d’y substituer un projet dont l’Autriche n’aurait pas eu à se plaindre. Qui donc amenait ainsi la Prusse à condamner son propre ouvrage ? C’était l’inflexible ministre autrichien, le prince Félix de Schwarzenberg. Les députés qui formaient le parti de l’unité allemande, et qui, à Erfurt comme à Francfort, avaient encore la majorité, s’indignèrent de la faiblesse du gouvernement prussien. Ils restèrent fidèles, malgré M. de Radowitz, au projet de constitution préparé par M. de Radowitz. La constitution, que l’auteur