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l’entendent, et déjà ils font toute sorte de réserves afin de se retirer de l’alliance quand bon leur semblera. Bien plus, le prince de Schwarzenberg amène le gouvernement prussien à conclure avec l’Autriche un traité qui met fin aux pouvoirs du vicaire de l’empire et constitue un intérim jusqu’à ce que l’autorité centrale soit réorganisée. Aux termes de ce traité, signé le 30 septembre 1849, l’Autriche et la Prusse conviennent de créer un pouvoir intérimaire chargé d’exercer l’autorité centrale pour la confédération germanique au nom de tous les états jusqu’au 1er mai 1850. Ce pouvoir est confié à une commission fédérale composée de quatre membres, deux pour l’Autriche, deux pour la Prusse, et auprès de laquelle les autres états pourront se faire représenter par des plénipotentiaires. Pendant l’intérim, la question de la constitution allemande était abandonnée à la libre entente des états particuliers, et si, au 1er mai 1850, les gouvernemens n’avaient pas réglé cette grande affaire, ils devaient se concerter pour prolonger la convention du 30 septembre. Rien ne parait plus simple ; au fond, rien n’était plus menaçant pour la Prusse. Le vicaire de l’empire avait beau être un prince autrichien, il tenait ses pouvoirs de l’assemblée de Francfort, l’ancienne diète avait abdiqué entre ses mains, sa présence rappelait le régime nouveau dont la Prusse n’avait pas renoncé à tirer parti. La Prusse n’avait aucun intérêt à lui faire quitter ce poste avant qu’elle fût en mesure de l’y remplacer elle-même. Or le traité du 30 septembre indiquait très nettement de la part de l’Autriche l’intention de renverser, non pas le vicaire personnellement, mais la fonction quasi-révolutionnaire dont il était revêtu. Plus la personne du vicaire était agréable à l’Autriche, moins on devait se méprendre sur la signification de la mesure qui mettait fin à son pouvoir. Évidemment, si l’Autriche écartait l’archiduc Jean, vicaire de l’empire, et si l’archiduc Jean lui-même se prêtait à cette manœuvre, c’était dans la pensée de rétablir la diète de 1815. L intérim devait être employé à préparer cette restauration de l’ancien pouvoir fédéral, c’est-à-dire de l’ancienne prééminence de l’Autriche.

La Prusse fait semblant de ne pas comprendre les menaces de sa rivale, et, poursuivant son jeu, elle s’attache à développer, comme la chose la plus naturelle du monde, les conséquences de l’union restreinte ébauchée par le traité du 26 mai. Le conseil administratif de cette union, dans la. séance du 5 octobre, propose de convoquer le parlement d’Erfurt, c’est-à-dire le parlement qui, d’après le traité du 26 mai, doit reprendre avec le collège des princes la question de l’unité allemande et refaire l’œuvre abandonnée du parlement de Francfort. Aussitôt, — et comment ne pas reconnaître ici la main du prince de Schwarzenberg ? — le Hanovre déclare que la Prusse interprète d’une façon inexacte le traité