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à l’esprit. De l’autre côté de l’Atlantique, tout agriculteur acquiert des notions sur les insectes qu’il doit redouter, et rien n’est plus simple : il possède la facilité d’avoir sous les yeux des descriptions fidèles et des images exactes des espèces nuisibles ; il a des renseignemens précis sur les meilleurs moyens de combattre les hôtes malfaisans. Une espèce vient-elle pour la première fois à se multiplier d’une façon excessive et à exercer des ravages, les intéressés sont promptement avertis. Dans les principaux états de l’Union américaine, un entomologiste, homme de savoir et de talent, est chargé de l’étude des insectes nuisibles ; c’est un fonctionnaire qui chaque année adresse un rapport à la législature de l’état. Le rapport est souvent un beau mémoire rempli d’indications précieuses, illustré par des figures représentant les objets essentiels à connaître ; de pareilles publications sont répandues à profusion. Fréquemment on répète qu’aux États-Unis les particuliers seuls s’occupent de toutes les affaires ; l’exemple des entomologistes officiels atteste que les pouvoirs publics s’inquiètent beaucoup aussi des intérêts généraux de la société. En France, rien de scientifique ne sollicite l’attention des agriculteurs ; les plus éclairés d’entre eux ne pensent guère à se renseigner sur la vie d’une espèce dangereuse avant d’avoir éprouvé d’immenses désastres. Il y a dix-huit ou vingt ans, on commençait un grand ouvrage : une histoire des animaux utiles et nuisibles ; le gouvernement refusa toute assistance sérieuse pour lai publication. Qu’on songe s’il eût été facile d’arrêter la propagation du phylloxère au début de l’invasion ; on supputera ensuite combien de millions-auraient accru la fortune du pays, combien de douleurs eussent été épargnées. Sur quelques points du territoire, il a manqué des hommes instruits et vigilans.

Dans les conférences entre les membres de la commission spéciale de l’Académie et des propriétaires fort affligés des pertes qu’occasionne le phylloxère, un exemple cité apportait la preuve irrécusable de l’utilité des plus minutieuses recherches scientifiques. Il y a trente-cinq ans, les vignobles étaient dévastés sur une énorme étendue de la France par l’insecte lépidoptère bien connu sous le nom de pyrale de la vigne ; dans plusieurs régions, les ravages étaient horribles. A diverses époques, on avait fait au hasard, des tentatives pour se débarrasser du fléau ; rien n’avait réussi, les doléances n’avaient plus de bornes. Un professeur du Muséum d’histoire naturelle, M. Victor Audouin, sur l’invitation du ministre de l’agriculture, se rendit sur les lieux infestés, et, pendant plusieurs années, avec un soin extrême, il étudia la pyrale dans toutes les phases de son existence. Le naturaliste s’assura qu’au mois d’août les papillons déposent invariablement leurs œufs en paquet à la face supérieure des, feuilles ? il découvrit que les