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que pour protester. Jusqu’en 1866, ils étaient sujets prussiens de par le droit de conquête, mais ne figuraient point dans la confédération germanique : Sadowa les a faits Allemands. Singulier effet de la victoire du parti national ! Au moment où les Allemands d’Autriche sont exclus de la grande patrie, on y introduit des étrangers, les Polonais et les Danois ! M. Krüger, député du Slesvig, n’entend pas plus être Allemand que les députés de Posen ; le Reichstag n’en a nul souci : la déclaration que font de temps à autre ces annexés qu’ils n’ont rien à voir dans les affaires du parlement provoque toujours les rires de l’assemblée. A côté de M. Krüger, au-dessus du parti national-libéral, il y a des places inoccupées : attendent-elles les députés d’Alsace-Lorraine ? Quand ils seront là et que leurs protestations se joindront à celles des Danois et des Polonais, quel saisissant tableau où l’on verra ce qu’a coûté de mensonges, de larmes et de sang la fondation du nouvel empire !


II

« La séance est ouverte, » dit M. le président Simson, puis il se met à lire une liste de congés accordés par lui pour un jour ou deux, en vertu des pouvoirs qu’il tient du règlement ; il consulte ensuite le Reichstag sur des demandes de plus longs congés. L’assemblée manifeste aussitôt sa mauvaise humeur. Elle accorde, non de bonne grâce, quinze jours à M. le bourgmestre Paravicini, qui se dit appelé « par des affaires de service. » Quant à MM. Seiz et Lugscheider, qui allèguent seulement des affaires personnelles, elle décide qu’elle ne peut se passer de ces deux honorables. Pareille scène se renouvelle souvent au début des séances. En aucune assemblée on ne vit se produire autant de demandes de congé. Nous touchons à une des misères du Reichstag : c’est la désertion de ses membres, qui entraîne à tous momens l’incapacité de voter. L’assemblée compte 382 députés, et la présence de la moitié plus un est nécessaire pour le vote des lois ; or dans le courant de la session actuelle on s’est souvent aperçu, au moment du vote, qu’on n’était pas en nombre. Le mal est difficile à guérir, car il est constitutionnel. Il n’y a point en Allemagne une quantité suffisante d’hommes politiques pour fournir de députés les assemblées des vingt-sept états dont se compose l’empire. Ajoutez aux 1,700 membres des chambres basses, à ceux de neuf chambres hautes de ces états, les 382 députés du Reichstag et les 57 membres du Bundesrath : le chiffre de 2,000 est de beaucoup dépassé. Il a donc fallu admettre le cumul des mandats, et beaucoup de membres du parlement siègent aussi dans les chambres de Prusse ou des petits états. Que faire quand les assemblées