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chaos fécond de l’univers éternel, existe avant le soleil, qui n’a d’autre rôle que celui de démiurge. Cette conception théogonique explique suffisamment pourquoi le dieu du bas-relief de Ptérium n’occupe qu’une place secondaire à côté de la grande déesse, comme Atys ou Adonis à côté de Cybèle et d’Aphrodite. L’inceste sacré n’est guère plus mystérieux. Le jeune dieu est nécessairement le mari de sa mère, puisque c’est du sein de la terre que le soleil et toute l’armée des cieux sont sortis. Fils du chaos, Bel féconde à son tour les flancs de Bilit Tihavti, la matière humide et passive. Dans le culte local de la ville de Nipur, Bilit est à la fois mère et épouse d’Adar. L’inceste de Sémiramis avec son fils Ninyas n’a pas d’autre origine.

Le fondateur mythique de Tarse en Cilicie, Samdan, l’Hercule assyrien, figure sur des monnaies de cette ville debout sur un lion et la bipenne à la main. les cylindres de la Chaldée, de l’Assyrie et de la Médie, les cônes, les intailles, les feuilles d’or estampées, qui représentent le dieu sur le lion, le taureau ou quelque autre quadrupède, brandissant la hache ou le foudre, sont plus nombreux qu’on ne saurait dire[1]. A Bavian, comme à Maltaï, dans les montagnes de l’Assyrie, non loin des rives du Tigre, Adar est sans doute au nombre des divinités qui sont debout sur des lions, des lionnes, des chevaux, des licornes du des boucs[2] ; mais il n’est pas facile de distinguer Adar du dieu Bin par exemple, le dieu de l’atmosphère, qui sur les cylindres tient la hache et le foudre, et est également monté sur le taureau. Ce quadrupède était aussi consacré au dieu Lune, à Sin, à Mên, à Mithra, confondus souvent avec Samdan, Atys et Agdistis. En tout cas, les divinités de Maltaï, qui ont un astre et des cornes sur leurs mitres cylindriques, sont bien des divinités planétaires comme Istar et Adar : il est naturel que chacune d’elles soit portée sur un animal différent. La planète du dieu Adar, Saturne, était appelée « le taureau du soleil » ou « le taureau de la lumière. » Au revers d’une médaille de Tarse, le dieu est debout sur un quadrupède dont la tête est formée d’une tête de lion et d’une tête de taureau : rien n’est plus propre à montrer la nature sidérale de la divinité suprême en Cilicie. On n’a encore rencontré qu’en Cappadoce, à Boghaz-Keuï et à Euïuk, des dieux ou des déesses, peut-être des hiérodules, montés sur un aigle à deux têtes. De ses puissantes serres, l’oiseau étreint deux lièvres. Ce magnifique emblème, qui devait un jour flotter sur les étendards des empereurs d’Occident, est encore très visible à Euïuk, sur la face latérale d’un des pieds-droits

  1. Chabouillet, Catalogue général et raisonné des camées et pierres gravées, de la Bibliothèque impériale (Paris 1868). Cylindres, n° 703, 704, 708, 709, etc. Un catalogue des cylindres de la collection du Louvre serait d’un grand secours pour les études de mythologie sémitique.
  2. Place, Ninive et l’Assyrie, III, pl. 45. — Layard, Monuments of Nineveh, 2e sér.