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jour que la Lydie. « Je suis tenté, quand je me rappelle l’Iliade, a dit M. Beulé, de comparer Priam, avec son harem et ses cinquante fils, au roi Sargon ou au roi Sardanapale III, de lui ceindre la même tiare, de lui prêter les mêmes draperies brodées, la même barbe teinte et frisée en étages, de le voir sur le même char, conduit par le même écuyer. Les murs d’Ilion devaient avoir les tours et les sept portes de Khorsabad ; les vieillards qui admiraient Hélène se tenaient sur des terrasses derrière des créneaux semblables aux créneaux de Ninive ; les guerriers avaient les mêmes armes, allaient à la bataille dans le même désordre, poussaient des chevaux couverts des mêmes harnais. En un mot, les bas-reliefs de Khorsabad fourniraient une illustration graphique de l’Iliade plus juste que les bas-reliefs du Parthénon, car au siècle de Périclès la Grèce avait rompu avec l’Orient aussi soigneusement qu’au siècle de Sargon l’Assyrie avait rompu avec l’Égypte. »

Qui connaît une de ces expéditions des rois d’Assur en Asie-Mineure les connaît à peu près toutes. Presque chaque année, au printemps, les monarques du premier et du second empire assyrien, comme les Pharaons de la XVIIIe dynastie, lançaient sur le monde leurs armées formidables, et tenaient ainsi sous le joug les nations de la terre. Les inscriptions qui racontent leurs hauts faits parlent toujours de révoltes écrasées, de contrées dévastées par le fer et le feu, de peuples transportés en masse, de rois rebelles écorchés vifs. Dans leurs innombrables campagnes contre la Syrie septentrionale, contre les Khatti, contre la Cilicie et la Cappadoce, on voit que les Assyriens aimaient fort à couper les cèdres et les cyprès de l’Amanus. Les grandes expéditions en Asie-Mineure se renouvelèrent au Xe siècle sous Assurhazirpal, au IXe sous Salmanassar IV, au VIIIe sous Sargon, qui paraît avoir fait des conquêtes au cœur même de l’Asie-Mineure : il transporta à Damas les habitans d’une ville de Pisidie. Les troupes de Sennachérib, au VIIe siècle, auraient repoussé les Grecs qui tentaient d’établir des colonies en Cilicie ; c’est alors que les Assyriens auraient fondé la ville de Tarse : tel est du moins le récit de Bérose. D’autres attribuaient l’origine de cette ville à un Sardanapale. Sémiramis passait également pour avoir bâti la chaussée de Tyane, près des portes ciliciennes, et la levée sur laquelle était construite Zéla du Pont. On lui attribuait, comme à Ninus, la fondation de plusieurs villes de l’Asie-Mineure. Ninoé, sur les frontières de la Lydie et de la Karie, fut certainement un centre de culture assyrienne.

Une tradition fort répandue rattachait au contraire la fondation de Tarse à la campagne victorieuse que fit en 666 le roi Assurbanipal dans la Cilicie révoltée : le roi du pays, en signe de soumission, livra sa fille pour le harem de Ninive. L’année suivante,