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et avec l’énormité des distances, cette visite annuelle est souvent tout le secours que la science offre au paysan. Les maladies de la plupart n’ont d’autre remède que l’aide d’un sorcier ou d’une de ces innombrables images miraculeuses dont aucun couvent et presque aucune chapelle russe n’est dénuée.

La peste et la famine sont près de disparaître de la Russie comme de l’Occident. L’une et l’autre ne sont déjà plus ce qu’elles étaient dans l’histoire ; mais elle reste en proie aux menaces d’un autre fléau dont nous pouvons encore moins comprendre les innombrables ravages et l’impression décourageante, l’incendie. En Russie, où tous les villages, sont de bois depuis la cabane du paysan jusqu’à l’église et à la maison seigneuriale, où, en dehors des steppes entièrement dépourvues de forêt, il en est de même de la presque totalité des maisons de la plupart des villes[1], le feu, le coq rouge, comme les Russes l’appellent vulgairement, est un des plus terribles ennemis de l’individu et de la société. On est plus exposé au feu par les matériaux mêmes dont les habitations sont construites ; on y est plus exposé aussi par la brièveté des jours et la longueur de l’hiver, qui exigent plus de chauffage comme plus d’éclairage. Le feu s’attaque aux forêts, aux villes, aux villages ; il prend par accident, il est allumé par une main criminelle, car il fut longtemps une sorte d’arme populaire des faibles et des opprimés contre les puissans, et la Russie a été désolée par de véritables épidémies d’incendies qui n’ont point épargné les débuts du règne de l’empereur Alexandre II. Pour donner moins de prises au danger, les maisons des villages, tout en formant d’ordinaire une rue régulière, sont bâties à une certaine distance les unes des autres, et c’est pour cela aussi que les rues des villes sont si larges et les maisons si basses. Dans les grandes villes on commence à être bien outillé contre l’incendie ; comme en Turquie, il y a des tours garnies de veilleurs de nuit et de jour. Les pompes deviennent nombreuses et plus puissantes : c’était une des parties les plus intéressantes de l’exposition de Moscou de 1872. Dans les campagnes, les précautions sont plus difficiles et les remèdes insuffisans. Une maison est sûre d’être brûlée un jour ou l’autre ; c’est une affaire de temps,

  1. Bien qu’il soit en continuelle augmentation, le nombre des habitations en pierre ou en brique dans les villes dépasse rarement le dixième du total général, et en reste fort loin dans les bourgs. On en a dressé la statistique pour toutes les villes et bourgades de l’empire. Voici quelques chiffres pris au hasard : à Arkangel 116 maisons en pierre sur 2,246, — à Vologda 99 sur 1,829, — à Viatka 200 sur 1,816, — à Kazan 664 sur 4,344, — à Riga 893 sur 7,160, — à Orenbourg 204 sur 2,399, — à Perm 94 sur 3,652. A Moscou, à Pétersbourg et dans quelques autres grandes villes, la proportion, grâce aux reconstructions récentes, est déjà fort différente. Dans la première de ces villes, elle est de 5,234 sur 15,030, dans la seconde de 7,708 sur 16,245. (Statistitcheshi Vréménik. — Economistcheskoe Sostoïanie Gorodof. )