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Louis XIV ne s’astreignait pas de plus à une répartition systématique et constante des services ministériels entre un nombre de personnes égal à celui des départemens. Souvent il concentra dans les mêmes mains plusieurs départemens. On sait de combien de services l’infatigable Colbert fut simultanément chargé. Louvois à sa mort était à la fois ministre d’état, secrétaire d’état du département de la guerre, surintendant des bâtimens, arts et manufactures, intendant-général des fortifications et des haras, général des postes. Ces concentrations ne duraient qu’autant que ceux en faveur desquels elles avaient été admises conservaient pour des services si variés la confiance du monarque. Barbézieux, qui succéda à Louvois, son père, dans ses principales charges, ne les réunit pas toutes. Louis XIV ne s’astreignit plus à désigner des secrétaires d’état pour la direction des services généraux. Les fortifications constituèrent une direction générale indépendante, qu’il donna à l’intendant des finances Le Pelletier de Souzy, dont le frère Le Pelletier obtint la direction des postes. Colbert de Villacerf eut la surintendance des bâtimens. Au reste le grand roi suivait encore plus pour ces réunions dans une même main ses inclinations personnelles qu’il n’obéissait à la pensée de confier à une intelligence supérieure tous les départemens qu’elle était apte à diriger, et l’on vit, pour le malheur de la France, Chamillart réunir le secrétariat-d’état de la guerre au contrôle-général des finances. Ce dernier portefeuille, comme nous dirions aujourd’hui, avait alors toute l’ampleur d’un ministère sans en présenter le lustre. Le contrôleur-général des finances n’était pas en effet assimilé à un secrétaire d’état, encore moins à un ministre d’état. Il ne siégeait de droit qu’au conseil royal des finances, dont il était, comme on l’a vu, le rapporteur par excellence, et pourtant ses attributions depuis Colbert s’étendaient à presque toutes les branches de l’administration. Ce n’étaient pas seulement le service du trésor, la levée des impôts, qui ressortissaient à son département, c’était encore ce qui constitue aujourd’hui le ministère du commerce et de l’agriculture, celui des travaux publics, même une partie de ce qui relève actuellement du ministère de la guerre, l’extraordinaire des guerres, le matériel de l’artillerie, les poudres et salpêtres, les vivres, les étapes, etc. On créa toutefois à la fin de la monarchie, pour quelque temps, un département séparé du commerce, qui eut son secrétaire d’état. Aucun ministre, — et le contrôleur-général n’en portait pas le nom, — n’avait besoin d’une plus grande activité ; aucun n’était tenu de faire preuve d’une fermeté plus grande : c’était lui surtout qui avait à se heurter contre les résistances opposées par les membres des juridictions fiscales, à vaincre leur mauvais vouloir. « La multitude des impôts, écrit M. A. Jobez dans son livre substantiel intitulé la France sous Louis XV, leur diversité, la foule