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Entre ces conseils, deux seulement offraient le caractère qui constitue dans notre moderne droit public le conseil des ministres : celui des affaires étrangères et celui des dépêches. Le titre de ministre d’état était réservé aux membres du conseil des affaires étrangères, où le roi pouvait de plus appeler des princes du sang. Le secrétaire d’état de ce département y avait forcément entrée, parce qu’il y remplissait les fonctions de rapporteur. Le conseil des affaires par excellence fut, à dater de la majorité de Louis XIV, celui des dépêches. Là se faisaient les règlemens pour les villes et les provinces qui n’avaient pas trait aux matières spécialement affectées aux autres conseils ; là se rédigeaient les lettres et instructions pour les gouverneurs et intendans des provinces ; là se traitèrent, après la révocation de l’édit de Nantes, les affaires des religionnaires ; là se portaient aussi certaines affaires contentieuses. Le conseil des finances, qui avait son chef distinct du contrôleur-général, embrassait dans son ressort toutes les anciennes attributions du surintendant des finances. C’était à cette assemblée que se portait tout ce qui touchait au domaine, aux droits de la couronne et aux fermes du roi. On n’y traitait toutefois que les affaires de finances de premier ordre ; celles de moindre conséquence étaient laissées à l’examen de bureaux spéciaux et résolues dans deux assemblées désignées sous les noms de grande et petite direction. Enfin le conseil d’état privé ou conseil des parties dépouilla le grand-conseil de la plus importante de ses attributions et jugea les conflits de juridiction entre les cours souveraines. Sous la présidence du chancelier, il ne cessa d’agrandir sa sphère d’activité : règlemens de juges entre les particuliers, récusation pour parenté ou alliance, exécution des édits, déclaration des arrêts, tout cela était de son ressort.

Ces conseils du roi pris dans leur ensemble formaient le conseil d’état. Outre les secrétaires d’état, des fonctionnaires d’un ordre supérieur, qualifiés de conseillers d’état et nommés par lettres patentes du roi, prenaient part aux travaux ; ils assistaient les ministres et composaient avec le chancelier et les maîtres des requêtes le conseil des parties. Ainsi, pour la seconde fois, le conseil du roi se constituait en cour de justice, pour la seconde fois la forme judiciaire prévalait sur la forme administrative, mais le roi prit soin que ce nouveau tribunal ne devînt pas une cour réglée, une juridiction indépendante qui dominerait sa volonté. La place de conseiller d’état ne se transforma point en un office, elle ne cessa pas d’être une dignité et ne fut pas dès lors vénale. Le conseil d’état, tout en représentant par excellence la haute juridiction administrative, n’en constitua pas moins un tribunal supérieur aux cours souveraines mêmes ; il eut le droit d’annuler les jugemens des parlemens et de casser tous les arrêts attentatoires à sa propre autorité. Il fut, comme