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été jugées dans le principe par des prud’hommes ou jurés de la mer. La partie qui n’était pas satisfaite de la décision de ses arbitres en appelait à l’amiral, et c’est ainsi que se constitua pour lui un droit de justice, qui s’unit aux privilèges que lui valait sa qualité de commandant des nefs et galères royales, de surintendant des arméniens maritimes. Sa juridiction s’étendit sur les prises faites en mer, sur le commerce par vaisseaux, sur le cabotage et la pêche. Dès le XIVe siècle, ainsi que nous l’apprend une ordonnance de 1373, la juridiction de l’amiral avait un ressort à la fois civil et criminel. Ce grand-officier devint ainsi comme le connétable des armées navales, et sa dignité fut pour lui plus une propriété qu’un office. Il délégua dans les ports son autorité militaire et judiciaire à des lieutenans qui régissaient la marine sous sa surveillance. Il était alors tout-puissant ; mais en 1540 le roi profita de la condamnation de l’amiral Chabot pour enlever à ce grand dignitaire la nomination des officiers de mer et la direction suprême des armées navales ; il ne lui laissa guère que la juridiction et les privilèges qu’elle conférait. Supprimée par Louis XIII en 1627, la charge d’amiral de France fut rétablie sous Louis XIV en 1669 pour le comte de Vermandois encore enfant ; c’était là un de ces retours au passé que l’affection paternelle du monarque faisait au préjudice de son pouvoir, comme lorsqu’il reconstituait pour les siens les grands apanages. Toutefois cette charge n’avait pas cessé de subsister en réalité sous le titre de surintendance générale de la navigation et commerce de France, titre que Richelieu avait imaginé afin de pouvoir, tout cardinal qu’il était, gouverner la marine. Ce titre passa au duc de Vendôme, puis à son fils le duc de Beaufort, et c’est à la mort de celui-ci que la charge d’amiral reparut ; mais on se garda de lui laisser toutes les attributions qu’elle avait en 1627. Le roi se réserva la nomination des officiers et employés de la marine, tout ce qui se rapportait aux approvisionnemens, au commerce maritime. Au reste, l’autorité de l’amiral n’avait jamais été aussi étendue que celle du connétable. Il n’exerçait pas son commandement sur tout le littoral du royaume et n’avait dans sa dépendance que les rivages de la Normandie, de la Picardie et de l’Aquitaine. Dans les autres provinces maritimes (Bretagne, Languedoc), le commandement des forces de mer était dévolu aux gouverneurs, et au XVIe siècle, en Provence, c’était le général des galères qui avait le commandement absolu des galères et navires envoyés dans les mers du Levant afin de supprimer la piraterie. Dans ces provinces, le jugement des procès en matière maritime revenait aux tribunaux ordinaires, et l’appel était porté au parlement. Au reste, les juridictions dépendant de l’amiral et qu’on nommait tribunaux de l’amirauté, ou par abréviation amirautés, furent détachées de son autorité comme les justices