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C’était la troisième fois que Reschid se voyait menacé de ce côté. Il crut l’attaque sérieuse et se porta de sa personne, à la tête de 2,0,00 fantassins et de 600 cavaliers, sur le point où il pensait trouver tous les Grecs réunis. Au même instant, un débarquement avait lieu dans la baie de Phalère ; 2,300 hommes et quinze pièces de canon jetés à terre à la faveur de la nuit prenaient, avant le jour, possession des hauteurs de Munychie. Gordon s’était réservé la conduite de cette partie de l’expédition. Il s’en promettait un succès décisif ; mais il se vit arrêté court par la résistance de 700 Guègues retranchés dans le couvent de Saint-Spiridion. Ce vieux monastère, bâti sur la route de Munychie au Pirée, défia toutes ses attaques. Les énormes projectiles de la Persévérance ne réussirent pas mieux à en déloger les Albanais. Reschid connaissait bien ces soldats intrépides. Sûr de leur constance, il ne crut pas nécessaire de revenir sur ses pas. Bourbaki d’ailleurs ne lui en eût pas laissé le temps. « Vaillant et enthousiaste, » — ce sont les expressions d’un historien anglais, — Bourbaki s’était résolument porté à la rencontre du séraskier. Descendu le 7 février de Khasia à Kamatero, il se jetait le 8 dans la plaine. Vassos et Notaras avaient promis de le suivre ; ils le suivirent malheureusement de trop loin. Avant qu’il eût pu atteindre la lisière du bois qui lui offrirait, pour se mettre sur la défensive, un terrain plus propice, Bourbaki se vit soudainement entouré par toutes les forces de Reschid. Les troupes de Vassos et de Notaras n’eurent garde de venir à son secours. « Effrayées, nous dit l’amiral de Rigny, par quelque cavalerie turque, » elles se débandèrent et ne songèrent qu’à chercher leur salut dans la fuite, laissant leurs provisions, leurs bagages, une partie de leurs armes sur le terrain. Les soldats de Bourbaki tinrent une autre conduite. Se serrant autour de leur chef, ils essayèrent bravement de repousser un choc inégal. Plus des deux tiers de cette bande héroïque, 500 hommes environ, trouvèrent la mort sur le champ de bataille. Le colonel, deux officiers français et un médecin allemand, MM. Gibacier, Gasque et Bon, tombèrent vivans entre les mains des Turcs. La frégate la Pomone était en ce moment sur la rade de Salamine. Le capitaine de Reverseaux ne perdit pas un instant pour entrer en communication avec Reschid. Il voulait demander au pacha l’échange des prisonniers, le supplier au moins d’épargner la vie de nos compatriotes ; il engageait sa parole, celle de son amiral : « jamais les captifs épargnés ne reparaîtraient dans les rangs des Grecs. » Zèle inutile ! empressement superflu ! Les prisonniers français avaient à peine survécu quelques heures à leur défaite. Le genre de guerre qui se faisait alors en Grèce, les représailles atroces que se croyaient en droit d’exercer les belligérans, laissaient peu de chances de salut aux