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de New-York a entre les mains des biens considérables, provenant de la charité des fidèles ; ces biens, qui ne sont qu’un dépôt sacré, il les transmet par cession en blanc au vicaire-général, de façon à les faire passer, en cas de mort, dans le trésor de son successeur. C’est une fraude faite à la loi, que les tribunaux condamneraient, si elle était prouvée. ’est ainsi qu’en 1862, un habitant de New-York avant laissé par testament toute sa fortune à l’archevêque Hughes pour l’employer aux besoins de l’église catholique de New-York le testament fut cassé. Aux yeux de la loi, il n’existe point d église de New-York, il n’y a que des paroisses particulières.

On doit comprendre maintenant le jeu des institutions. Aux États-Unis comme en Europe, il y a de grandes communions qui embrassent tout le territoire. Les épiscopaux, les méthodistes, les presbytériens, les catholiques, sont des églises universelles, tandis que chez les baptistes et les congrégationalistes chaque paroisse est une communauté indépendante, unie de façon fédérative à ses sœurs par le lien d’une foi commune ; mais toutes ces églises ou dénominations sont choses religieuses dont l’état n’a point à s’occuper. Il ne connaît que l’association civile, la corporation locale. C’est cette corporation qui possède les biens, qui prend des engagemens pour les frais du culte et le traitement des ministres ; c’est elle seule par conséquent qui tombe sous le coup de la loi.


III

La religion souffre-t-elle de cette organisation en partie double ? Cette distinction de l’église (church) et de la corporation porte-t-elle atteinte à l’autorité ecclésiastique ? On peut affirmer qu’en aucun pays la religion n’est aussi puissante qu’aux États-Unis. En effet, chez tous les peuples où l’église est unie à l’état, le gouvernement, qui salarie le culte, a par cela même une certaine police sur la croyance. Il faut nécessairement qu’il sache en quelles mains il verse le traitement qu’il accorde. Pour le catholicisme, cela peut avoir une grande importance, à en juger par ce qui se passe en Prusse. L’état peut décider, à tort ou à raison, que la promulgation d’un nouveau dogme, tel que celui de l’infaillibilité, change les rapports de l’église et du gouvernement, et qu’il ne reconnaît pour vrais catholiques que ceux qui n’ajoutent rien à l’ancienne foi. Pour les réformés, la question n’est pas moins grave. Avec ces perpétuelles variations, qui sont de l’essence du protestantisme, il arrive nécessairement que des courans divers s’établissent dans l’opinion. C’est ce qu’on voit en France ; il y a un parti qui se dit orthodoxe, quoiqu’il soit fort loin de la confession de La Rochelle ; il y a un parti