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1830 et 1851, décidait que personne ne serait forcé de suivre ou de soutenir un culte quelconque, qu’aucun individu ne serait inquiété ni molesté dans sa personne ni dans ses biens à raison de sa croyance, et qu’enfin chacun serait libre de professer et de défendre par argument ses opinions religieuses, sans que ces opinions pussent en rien diminuer, agrandir ou affecter sa capacité civile. En apparence, rien de plus simple que cette loi ; au fond, c’était la complète sécularisation de l’état et de la société.

La réforme de Jefferson ne concernait que la Virginie ; mais bientôt l’Amérique tout entière eut à se prononcer sur ce grand principe. En 1787, quand on fit la constitution fédérale, on se demanda si les États-Unis auraient une église officielle. La réponse ne pouvait être douteuse. Les législateurs connaissaient l’histoire de l’ancien monde, leurs pères avaient été victimes de l’intolérance, et d’ailleurs pouvait-on établir un autre régime que la liberté dans une confédération composée des sectes les plus diverses ? On décida donc par le premier amendement de la constitution que le congrès ne pourrait ni instituer une église d’état, ni interdire le libre exercice d’une religion ; on avait déjà reconnu dans un article précédent que pour remplir un emploi public personne n’aurait besoin d’appartenir à un culte reconnu. Cette décision, qui limitait le droit du congrès, ne touchait que la confédération : on respectait le droit particulier de chacun des états ; mais, quand la liberté religieuse était installée au centre, il était difficile qu’elle ne gagnât pas les extrémités. Ce ne fut pas cependant l’affaire d’un jour ; il fallut cinquante ans pour achever cette évolution pacifique. C’est en 1834 seulement que le Massachusetts, rompant avec une politique de deux siècles, a mis l’entretien des églises à la charge des fidèles. Cet amendement au bill des droits a été voté directement par le peuple à la majorité de 32,000 voix contre 3,000, — et certes, s’il est un pays où la religion soit en honneur, c’est le Massachusetts.

Aujourd’hui le principe est universellement reconnu. Dans les trente-sept états et les territoires qui s’étendent de l’Atlantique au Pacifique, la liberté religieuse est entière, et, comme il n’y a point d’église officielle, les mots de dissidence et de tolérance n’ont plus de sens. Toutes les constitutions des états particuliers se ressemblent ; il n’en est guère qui ne commencent par un hommage à Dieu, et qui ne déclarent, comme la constitution du Massachusetts, que « le culte public rendu à Dieu, l’enseignement de la piété, de la religion et de la morale, favorisent le bonheur et la prospérité d’un peuple et la sécurité d’un gouvernement républicain ; » mais en général le législateur ajoute que « le devoir que nous avons à remplir envers notre créateur ne peut être réglé que par la raison et la conviction, et non par la force ou la violence, » Ainsi parle la