Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/730

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans la justifier la politique de l’Italie, de l’Espagne et de la France à l’endroit des réformés.

Dans la voie de la tolérance, la Hollande précéda de beaucoup l’Angleterre. C’est une des raisons de l’influence et de la grandeur de ce petit pays durant le XVIIe et le XVIIIe siècle. La Hollande était la patrie des exilés, la terre de la liberté. En 1646, lorsque Stuyvesant, gouverneur de la Nouvelle-Amsterdam, aujourd’hui New-York, poursuivait les prédicans qui n’étaient point d’accord avec le synode de Dordrecht, et chassait les quakers, coupables de prêcher la liberté religieuse, les magistrats d’Amsterdam n’hésitèrent point à blâmer cette persécution. Ils écrivirent à Stuyvesant ces belles paroles : « aussi longtemps que les hommes se conduisent paisiblement, il faut leur laisser la liberté de conscience. Telles ont été les maximes religieuses qu’ont suivies les magistrats d’Amsterdam, maximes prudentes et humaines ; la conséquence en a été que les opprimés et les proscrits de tous pays ont trouvé chez nous un refuge dans leur malheur. Suivez ces traces, vous y récolterez la bénédiction. » Ce qu’accordait la Hollande, ce n’était que la tolérance ; il fallut plus d’un siècle pour en arriver à l’idée de liberté, et ce ne fut pas dans l’ancien monde que germa cette généreuse pensée.

On sait comment, à la suite des persécutions et des troubles d’Angleterre, les dissidens de toute nuance émigrèrent dans l’Amérique du Nord pour y adorer Dieu en paix et à leur façon. Tandis que Louis XIV, avec cet aveuglement royal qui nous coûta si cher, chassait de France les réformés, et leur refusait même de coloniser la Louisiane, l’Angleterre, plus sage et plus politique, fermait les yeux sur ces hérétiques qui portaient au désert les institutions et la langue de la mère-patrie. Son commerce et sa puissance gagnaient à la colonisation ; elle était libérale par intérêt.

C’est en 1620 que les premiers émigrans, fuyant la rage des évêques anglicans, s’établirent dans le pays qui porte aujourd’hui le nom de Nouvelle-Angleterre. Ces exilés volontaires étaient des indépendans, des non-conformistes, c’est-à-dire ce qu’il y avait de plus rigide parmi ces puritains que nous ne connaissons guère que par le poème d’Hudibras ou les romans de Walter Scott. Qui de nous n’a présent à l’esprit ce personnage tout de noir habillé, sectaire intraitable, formaliste ridicule qui, suivant une vieille plaisanterie, pend son chat le lundi pour le punir d’avoir pris une souris le dimanche ? Ceux qui liront l’Histoire de la Nouvelle-Angleterre de Palfrey ou la Vie et les lettres de John Winthrop, récemment publiées par un de ses descendans, M. Robert Winthrop, seront bientôt édifiés sur la valeur de ces caricatures, et se feront une tout autre