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La France, cela est certain, est encore de force à se tirer d’affaire, et même à pousser patiemment jusqu’au bout son voyage à la poursuite d’un gouvernement définitif ; mais, il faut en convenir, si la France est un modèle de calme et de sagesse au milieu d’une épreuve qui n’est pas sans péril, si elle se montre assez disposée à tout, pourvu qu’on ne veuille pas lui faire trop de violence et lui imposer des régimes incompatibles avec ses instincts comme avec ses intérêts, les partis, qui ont tous la prétention de la sauver, ne s’inspirent guère de ces sentimens de modération, d’équité et de désintéressement qui sont dans l’âme du pays. Les partis semblent croire que cet interrègne parlementaire de trois mois leur a été donné pour organiser des agitations nouvelles, pour accumuler devant l’opinion publique des problèmes sans solution, pour employer toute leur diplomatie à traiter dans des conciliabules les questions les plus redoutables sans s’inquiéter des incertitudes qu’on aggrave, des anxiétés et des impatiences qu’on provoque. Les partis se figurent que le pays s’est livré à eux comme un sujet d’expérience, comme une matière inerte et vile qu’ils peuvent plier à leurs passions, à leurs préjugés ou à leurs combinaisons, et ils ne s’aperçoivent pas qu’ils n’ont d’autorité que s’ils savent s’inspirer fidèlement des vœux, des besoins de cette société dont ils ont l’air de disposer en maîtres, qu’ils agitent souvent au lieu de l’éclairer et de la conduire.

Une chose reste certaine : toutes ces questions qui viennent de se réveiller, et qui tiennent la France en suspens, ne peuvent plus être ajournées désormais ; elles devront être nécessairement et définitivement tranchées aussitôt que l’assemblée se trouvera de nouveau réunie à Versailles. On a tant fait la guerre au provisoire, le provisoire a maintenant un terme presque fixe, on voudrait le prolonger qu’on ne le pourrait plus dès qu’on sera en présence ; mais, comme l’assemblée ne se réunit que le mois prochain, en novembre, le pays en est réduit, pendant cinq ou six semaines encore, à se demander ce qu’on veut faire de lui, ce qu’on lui prépare, la république ou la monarchie, la paix ou la guerre, la fin des incertitudes par des institutions équitablement libérales, ou le commencement d’agitations nouvelles. On a trouvé le moyen de rendre pour le moment le provisoire plus pénible et plus aigu. Évidemment, nous le savons bien, il est des situations où tout ne peut pas se traiter au grand jour, où il y a des négociations nécessaires. L’entrevue de Frohsdorf, en faisant disparaître l’élément des compétitions personnelles et dynastiques dans le problème d’une reconstitution possible de la monarchie en France, cette entrevue des princes de la maison de Bourbon n’a point résolu la question véritablement politique, qui, au contraire, reste tout entière. C’est maintenant autour de cette question qu’on tourne comme pour chercher le point par où l’on peut la prendre afin d’arriver à un dénoûment. Soit, on peut tourner, mais, qu’on nous permette de le dire, les hommes qui consacrent tout leur zèle, un