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romans de Balzac, sinon de vrais héros du luxe, amoureux de toutes les jouissances, ambitieux de puissance en vue du plaisir, ambitieux d’argent et de tout ce qui brille ? Ces personnages ont fait école à leur tour dans la vie réelle. Le génie, celui-là même qui paraissait toucher de plus près aux régions lumineuses, a payé tribut à l’industrialisme littéraire. L’étendue exorbitante des besoins aura été, avec le développement illimité de l’orgueil, un des grands signes de ce siècle.

On comprend que la peinture de cette maladie morale et l’idée de la combattre aient tenté plus d’une plume honnête. Un honorable écrivain, M. Nadault de Buffon, l’a essayé plus directement que la plupart et d’une manière plus complète. Y a-t-il réussi ? Nous rendrons justice à ses intentions, attestées par une impression générale de probité sincère, ainsi qu’aux bonnes parties des deux ouvrages qu’il consacre, l’un au Luxe notre ennemi, l’autre à la réforme des mœurs sous ce titre : les Temps nouveaux. Les griefs généraux contre les recherches de mauvais aloi y sont bien résumés et empruntent de certaines démonstrations puisées dans les faits une nouvelle force ; mais, malgré l’estime que ces ouvrages inspirent, comment ne pas dire aussi qu’ils sont loin d’être à l’abri de la critique ? Il y a plus qu’un défaut de composition dans cet abus de la chronique scandaleuse, dans cette surabondance d’anecdotes, de détails, qui finissent par tomber dans la minutie. Cela ressemble par trop à un acte d’accusation en règle et en masse contre la société française, ou plutôt, disons-le, à un réquisitoire. Comment ne pas se dire aujourd’hui que la lourde malveillance de certains peuples étrangers, qui n’y entendent pas finesse, est toujours prête à abuser de ces aveux d’une nation qui s’accuse avec la même intempérance qu’elle met à se vanter ? Un peu plus de mesure, de grâce ! Vous dites le mal, vous faites votre devoir, mais n’en forcez pas le tableau et dites aussi le bien. C’est la France qui fait les frais de ces confessions publiques et de ces pénitences trop aigries par la douleur de récens désastres. Cela finirait, songeons-y, par l’humiliation d’un peuple qui a quelques raisons pourtant de rester fier. Est-ce bien la France telle qu’elle est que nous montrent de telles enquêtes ? Suffirait-il d’avouer de temps en temps qu’il y a quelque contre-partie honorable et des motifs de ne pas désespérer tout à fait ? Non, ce n’est pas ainsi qu’il faut parler en face du pays et de l’Europe. La noble convalescente qui vient de tirer de son travail et de son épargne les 5 milliards de l’indemnité n’est pas en somme la vieille pécheresse prodigue et débauchée qu’on pourrait croire sur la foi de je ne sais quelles descriptions. Ce Paris que vous montrez amolli, énervé, il s’est défendu, on est bien obligé de l’avouer,