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Les plus puissans des hauts-justiciers n’entendaient pas d’ailleurs que leurs juges fussent ravalés si bas ; ils ne cessaient de tenir la justice pour une partie inséparable de leur patrimoine, et ils repoussaient le principe mis alors en avant, que fief et justice n’ont rien de commun, tandis que les légistes, ainsi que l’a dit M. C. Dareste de la Chavanne, commençaient à regarder la juridiction des seigneurs comme le résultat d’une usurpation ou une faveur accordée par grâce spéciale.

Le démembrement successif des anciennes juridictions fut le résultat de l’établissement d’une administration financière qui eut ses surveillans spéciaux, lesquels opérèrent séparément des officiers auxquels appartenait auparavant l’exercice de toute espèce de justice. Au commencement du XVe siècle, comme on le voit par l’ordonnance de janvier 1407, il existait tout un ensemble de fonctionnaires de l’ordre administratif ne relevant ni des prévôts, ni des baillis. En tête se trouvaient les deux trésoriers du domaine royal, car dès le règne de Philippe le Bel, il existait deux trésors à Paris, l’un placé au Temple et l’autre dans le Louvre, bifurcation qui dura longtemps. Aux deux gardes des trésors domanial et de la cour étaient venus s’adjoindre des trésoriers-généraux et particuliers tant pour le pays de langue d’oïl que pour celui de langue d’oc. Les offices de finances se multiplièrent si rapidement que la célèbre ordonnance dite des cabochiens, de mai 1413, parle d’obvier à la multiplication des officiers qui avaient eu le gouvernement des finances du roi, tant celles du domaine que celles des aides, et qui prélevaient pour leurs gages des sommes excessives. L’ordonnance prescrit de revenir au simple dualisme du siècle précédent, à savoir à l’établissement d’un seul trésorier et d’un seul receveur-général. Ce n’étaient pas au reste seulement les besoins du service financier qui avaient accru le personnel administratif. Dès cette époque, les fonctions étaient souvent créées en vue de ceux que l’on en voulait pourvoir et non pour l’utilité publique ; une foule de requérans, comme les appellent les ordonnances, sollicitaient du gouvernement l’institution de nouvelles charges de receveur pour telle ou telle catégorie de revenus, d’amendes, de droits spéciaux, et cela en vue de se les faire adjuger.

Ce qui précède montre qu’on peut, dès la fin du XIVe siècle et le commencement du XVe, nettement distinguer l’ordre administratif de l’ordre judicaire, le premier ayant à son sommet la chambre des comptes, dont étaient justiciables tous ceux qui maniaient les deniers du roi, le second dominé par le parlement, d’où sortirent les parlemens de province, qui n’en furent que des émanations. Le pouvoir exécutif, surtout à cette époque, appartient au grand-conseil, qui représente par excellence la volonté royale. Il choisit les