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droit de siéger au parlement à côté des légistes lorsqu’il s’agissait de juger l’un d’entre eux. Les pairs mis en cause étaient alors ajournés à comparaître devant le parlement garni de pairs ; mais ils ne manquaient guère, pour rappeler leur ancien droit, de siéger dans les séances solennelles, aux lits de justice par exemple ; ils formaient alors réellement la chambre haute, du parlement, mais une chambre muette, sans attributions et sans ressort. Le caractère de cour féodale que garda toujours le parlement y fit porter directement les causes des prélats et des grands seigneurs. Depuis saint Louis, la même cour, reçut encore l’appel des sentences des baillis et des sénéchaux du roi. Etendant à une foule de causes le droit qu’il avait de statuer sur les affaires concernant la couronne, le parlement fit rentrer dans sa sphère nombre de procès où étaient impliqués des communautés et des individus, et les dignitaires de l’état ne tardèrent pas à revendiquer comme un précieux privilège le droit d’être directement justiciables de cette cour. Son ressort s’étendait au criminel aussi bien qu’au civil, et quand un attentat, un forfait semblait menacer l’ordre public, elle n’en laissait pas le jugement au bailli ou au prévôt ; l’affaire était évoquée devant elle comme appartenant au grand criminel.

La chambre des comptes, dont Philippe le Long compléta l’organisation, avait la plénitude de juridiction en matière financière. Toute contestation relative aux revenus du roi était de sa compétence ; aussi examinait-elle tous les comptes du royaume ; elle en vérifiait l’exactitude et les jugeait, c’est-à-dire qu’elle les déclarait bons et recevables ; les trouvait-elle défectueux, mensongers, elle ordonnait au comptable en défaut de payer la somme dont il était reliquataire. Cette cour souveraine n’avait point la garde du trésor royal, ni la gestion du domaine, mais elle surveillait celle-ci dans le principe ; tout ce qui s’y rattachait, vérification et enregistrement des actes concernant le domaine et les droits domaniaux, y portant augmentation ou diminution, aveux et dénombremens des fiefs des vassaux du roi, tout cela était de son ressort.

L’institution du grand-conseil, du parlement et de la chambre des comptes concentra sous l’autorité royale presque toute la justice et l’administration du royaume. A l’origine, les baillis et les sénéchaux étaient tenus de venir en personne défendre devant le parlement celle de leurs sentences dont l’appel y avait été porté, de même qu’ils comparaissaient en personne à la chambre des comptes. Ainsi que l’a remarqué M. R. Dareste, la division qui s’opérait au XIIIe siècle à la cour du roi s’accomplit à la même époque, par des causes identiques, dans les cours de justice de tous les grands fiefs, par exemple en Normandie, en Bretagne, en Dauphiné, en Provence,