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Au camp de la défense, quoi qu’on en dise, on n’avait pas passé ces quatre mois à ne rien faire, et si on touchait à la reddition fatale, ce n’était pas parce qu’on avait manqué d’activité, de vigilance et d’énergie. En définitive, on avait tenu au-delà de ce qui paraissait possible, et cette défense de Paris, opération de guerre et de politique assurément compliquée, ardue, avait été prévoyante, humaine, sans cesser d’être courageuse. Ah ! sans doute, il y a une heure où le général Trochu, pliant sous le poids des événemens, ballotté, tiraillé, semble se troubler et ne plus voir trop clair dans une situation progressivement aggravée ; il laisse flotter la direction ; mais jusqu’à ce moment, avec le concours de tous ces vaillans hommes, Ducrot, Vinoy, Chabaud-Latour, Tripier, Frébault, La Roncière et bien d’autres, il avait su tirer une armée du chaos, se mettre en mesure de marcher à l’ennemi, organiser la défense de façon à rendre Paris inexpugnable. On n’avait pas fait l’impossible, il est vrai, on n’avait pas percé les lignes prussiennes, on ne s’était pas jeté dans une de ces actions folles toujours réclamées par ceux qui ne doutaient de rien. On avait en réalité livré cinq batailles rangées, dont une seule avait coûté plus de 6,000 hommes, sept gros combats sanglans, et ces affaires qui ont un nom, qui s’appellent Châtillon, Chevilly, Bagneux, La Malmaison, Le Bourget, Champigny, Buzenval, ne sont encore qu’une représentation incomplète de cet effort incessant de quatre mois, de cette lutte de tous les instans soutenue sur le front de nos lignes. Au nord, les hardis partisans du commandant Poulizac étaient sans cesse sur l’ennemi, vingt fois l’amiral Saisset se battait autour de Bondy, et, en plein bombardement, les mobiles du colonel Reille, demeurés toujours aux avant-postes, étaient encore de ce côté aux prises avec les Allemands. Au lendemain du 21 décembre, on avait une chaude affaire près de Neuilly-sur-Marne, à la Maison-Blanche, qu’on enlevait de nouveau. Au sud, c’était de même. Entre le 1er janvier et la bataille de Buzenval, trois fois on faisait des sorties de nuit en avant d’Issy, on pénétrait jusqu’au bas Meudon, on essayait de se jeter sur la batterie du moulin de Pierre. On faisait des prisonniers bavarois, tandis qu’en avant de Vitry l’amiral Pothuau enlevait un poste prussien. De plus on avait multiplié les travaux, les tranchées qui complétaient, reliaient et fortifiaient les ouvrages réguliers. C’était donc une action militaire permanente sous toutes les formes.

Évidemment toutefois cette défense ne pouvait devenir efficace et se promettre quelque succès qu’à la condition de pouvoir compter sur un secours extérieur et de pouvoir durer, — si les armées de province étaient de force à lui venir en aide et si elle avait des vivres. C’est le résumé de tout le siège. Or où en était-on au lendemain de