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seront sédentaires,… elles obéiront à leurs maris comme l’esclave obéit à son maître… Le chef de l’homme, c’est le Christ ; le chef de la femme, c’est son mari. Le mari n’a pas été créé la chose de la femme, mais la femme a été créée la chose de l’homme… La femme ne peut donc élever la tête plus haut que son mari sans outrager le Christ. À cause de cela, il me souvient pas d’appeler la femme gospoja, mais elle doit appeler son mari gospodiné (seigneur). Quel maître appelle sa servante ou son serviteur dame ou seigneur ; quelle maîtresse appelle ses domestiques gospoja ou gospodine ? »


La femme dut résider dans les appartemens supérieurs de la maison, d’où elle ne pouvait sortir sans passer par ceux de son père ou de son mari : c’est dans le Terem que nous la montrent déjà les chansons populaires. « Elle est assise derrière vingt-sept serrures, — elle est assise enfermée à vingt-sept clés, — pour que le vent ne l’évente pas, — pour que le soleil ne la brûle pas, — pour que les bons compagnons ne la voient pas. » Dans le Terem, elle doit vivre chrétiennement : or, l’idéal de la vie chrétienne selon les idées byzantines étant le cloître, elle doit pratiquer chez elle toutes les austérités et tous les exercices pieux du couvent. La maison conjugale, est un monastère dont le mari est l’abbé. Entre la femme russe et la femme turque, il y a seulement cette différence que, pour sanctionner la loi de réclusion imposée à la première, on compte avant tout sur les moyens moraux. La crainte de Dieu et de la réprobation publique dispense d’emprunter à l’Orient ses étranges gardiens. Suivant ses directeurs de conscience, la dame russe doit, comme la femme forte de l’Écriture, se lever la première dans la maison, éveiller ses serviteurs et ses servantes, leur distribuer la tâche, travailler de ses propres mains. Elle doit obéir à son mari, qui saurait au besoin la ramener à l’obéissance par des corrections manuelles d’une charitable modération, mais d’une efficacité énergique : on recommande dans ce cas à l’époux de ne point se servir de gourdins trop gros ni de bâtons ferrés. Elle doit fuir les mauvaises compagnies, les propos oiseux, ne recevoir personne à l’insu de son seigneur et maître, éviter surtout les marchandes de toilettes, les devineresses et autres agens de Satan, ne point parler mal des voisins, ni des boïarines, ni des princesses. Comme cette matrone romaine qui fut punie de mort pour avoir détenu les clés de la cave, elle s’exposerait à de graves châtimens, si elle s’abandonnait au vice national, l’ivrognerie. Il paraît si indispensable que la femme reste à la maison, qu’elle soit sédentaire, comme dit Cosmas, il paraît si dangereux de laisser quelque liberté à un être aussi fragile qu’on la dispense même d’aller à l’église. Le mari doit y aller le plus souvent possible, — elle, le plus rarement.