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de ses prévenances, enveloppé dans la toile de la femelle et dévoré par elle.

Les mœurs matrimoniales des insectes sont plus faciles à décrire, et la théorie de la sélection sexuelle y rencontre en foule des faits qu’elle croit concluans. Ne sommes-nous pas trop enclins à méconnaître la beauté des insectes à cause de leur petitesse ? Si l’on pouvait imaginer un chalcosome mâle, avec sa cotte de mailles bronzée et ses grandes cornes complexes, grossi jusqu’aux proportions d’un cheval, ce serait un des animaux les plus imposans de la terre. Tels qu’ils sont et tels que nous les voyons, les insectes brûlent d’une ardeur belliqueuse. Enfermez deux grillons ensemble, ils se battront jusqu’à ce que l’un des deux expire. Les mantes savent manœuvrer et se servir de leurs membres antérieurs comme les hussards de leur sabre. Les papillons tourbillonnent rapidement, essayant de se porter des coups mortels. C’est une femielle qui est presque toujours la cause et le prix de la lutte. Celle-ci, chez les cerceris par exemple, assiste au duel avec une apparente indifférence ; mais elle attend le vainqueur et s’envole tranquillement avec lui, comme touchée par la beauté des vertus guerrières. Plus sensibles encore peut-être aux attraits pacifiques, les femelles des insectes comprennent et goûtent les douceurs de la mélodie. Quand les forêts tropicales retentissent des cris des cicadés, quand les fulgorides, ces chanteurs nocturnes, font vibrer l’appareil résonnant dont ils sont pourvus, ce sont là, dit un naturaliste, les sommations de l’amour ; les femelles accourent et tournent autour des mâles tambourinans. Quelquefois deux et même trois artistes, placés à distance, chantent alternativement, semblables aux bergers de Théocrite. Amaryllis écoute, juge et choisit le musicien le plus accompli. De la sorte, les organes sonores de l’insecte se fortifient par l’exercice. Comme les meilleurs instrumentistes sont préférés par les femelles, leurs facultés se transmettent à coup sûr et se perfectionnent par l’accumulation et les modifications héréditaires. Fondés sur un choix attentif, ces appariages ne peuvent être subits : une cour plus ou moins longue les prépare. Quand, par une tiède soirée, des nuées de cousins s’élèvent et s’abaissent tour à tour dans l’air tranquille, c’est que les mâles courtisent leurs futures compagnes.

Privés de la puissance musicale, les papillons ont en revanche, plus que tous les autres insectes, la splendeur visible de la coloration. Aucun langage ne saurait décrire la magnificence de certaines espèces tropicales. Cette richesse de nuances et de dessins est-elle le privilège exclusif des mâles ? Pas toujours ; il est des espèces où les femelles ont les ailes peintes et ornées plus brillamment encore