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puisse se retrouver debout, assistant en quelque sorte à sa propre résurrection.

Ce qui semblait impossible a été réalisé. On a vaincu la plus formidable insurrection ; patiemment, laborieusement, on a reconquis un peu d’ordre intérieur après avoir été obligé d’acheter par d’incomparables sacrifices la paix extérieure. On a rendu autant qu’on le pouvait la sécurité au travail et aux intérêts. On a pu procéder à des emprunts considérés comme irréalisables, tant ils dépassaient toutes les proportions connues jusqu’ici. On a fait reculer l’occupation étrangère de département en département, de ville en ville jusqu’à Verdun, puis maintenant jusqu’à la frontière. Bien mieux, on a pu hâter cette libération désirée en anticipant le paiement de ces sommes colossales qu’on avait presque imprudemment assumé l’obligation de réunir en si peu de temps. Le pays n’a rien refusé, il a tout accepté en échange de ce bienfait de la libération du territoire qu’on lui promettait. Ces immenses opérations financières, auxquelles il a fallu se livrer, se sont faites avec une ponctualité rare, sans bruit, sans un ébranlement trop sensible dans les conditions économiques de la France, et le dernier mot, le mot le plus éloquent de cette œuvre de récupération nationale était écrit l’autre jour en quelques chiffres dans une note officielle. — Le 5 septembre, à la date fixée par les conventions, le trésor a versé au trésor allemand la somme de 263 millions complétant en capital et en intérêts le paiement des 5 milliards de l’indemnité de guerre. On n’a pas eu besoin pour ce dernier paiement d’épuiser le crédit spécial de 200 millions légalement ouvert au trésor par la Banque de France ; on a pris seulement 150 millions. Plus de 3 milliards versés sur le dernier emprunt jusqu’au 1er septembre ont mis à la disposition du trésor les ressources nécessaires, et à la fin de ces opérations gigantesques la Banque de France reste avec un encaisse métallique d’un peu plus de 700 millions, c’est-à-dire 150 millions de plus qu’à la fin de juin 1871. — Durant cette longue et terrible épreuve imposée au crédit français, le billet de banque n’a pas subi la plus légère dépréciation, et la prime de l’or est encore aujourd’hui insignifiante. Le monde commercial a suivi depuis deux ans avec un intérêt mêlé d’anxiété ou de curiosité cette œuvre surprenante où, avec la meilleure volonté, le peuple le plus énergique, le plus laborieux, pouvait succomber ; le résultat a été au contraire une manifestation nouvelle de la vitalité française, et même, par un phénomène étrange, la crise née de ce colossal et brusque déplacement d’argent a peut-être des effets plus saisissons et plus dangereux en Allemagne qu’en France.

À quoi sert cette énorme et soudaine affluence de capitaux qui ne sont pas le fruit du travail ? Elle n’a servi ni à supprimer des impôts, ni à diminuer les dettes, ni à développer le bien-être général en créant