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abandonner à son discernement. On lui enleva la faculté, de mesurer ses leçons selon l’âge, la force, le zèle, les aptitudes et le nombre des écoliers dans les divers établissemens du pays. On finit par lui ôter, pour le transférer au proviseur, le droit de punir, si essentiel dans l’éducation, et dont l’exercice, pour être doux et paternel, doit être instantané. La France a pu suivre pendant vingt ans les résultats de ce beau régime. Elle a vu à l’œuvre ce conseil de l’instruction publique, recruté pourtant dans l’élite de la magistrature, du clergé, de l’Institut, des grands corps de l’état, qui par le vice de son institution s’est résigné, selon les ministres, à dire blanc et noir sur toutes les questions, et dont on ne sait qu’admirer le plus, de sa docilité ou de son inutilité. On a vu ces ministres, bouillonnans et stériles, qui commençaient par faire table rase de tout pour se donner la gloire de tout réinventer. On a vu cette course au clocher extravagante de plans d’études et de programmes de baccalauréat qui se sont culbutés les uns sur les autres, et dont les débris jonchent le sol, depuis le fameux arrêté du 30 août 1852 jusqu’à la circulaire du 27 septembre 1872.

C’est cette dernière circulaire qui est depuis un an la loi de l’Université. Il avait paru d’abord que le ministre qui l’avait rédigée s’était proposé pour but unique de tempérer l’excès des devoirs écrits, dont l’Université a longtemps abusé, et de recommander d’autres exercices fort utiles, qu’il avait seulement le tort de présenter comme nouveaux, car la plupart des professeurs les pratiquaient à l’époque où le professorat se trouvait plus libre de bien faire qu’il ne l’a été depuis 1852. Ainsi entendue, la circulaire du 27 septembre était fort acceptable : elle opérait sans secousse une de ces améliorations modestes et tranquilles qui doivent être la vie quotidienne de l’enseignement. Malheureusement il existe parmi nous une école pédagogique, puissante dans les journaux, qui professe une antipathie absolue pour les humanités, sous prétexte que les humanités ne lui paraissent pas constituer une éducation réelle et pratique. C’est cette école qui en 1852 a prétendu substituer dans l’enseignement les sciences mathématiques aux lettres : au bout de quatre ou cinq ans du système mathématique, il fallut bien reconnaître que pour un agriculteur, un négociant, un notaire, un manufacturier, le calcul différentiel n’est pas d’une utilité beaucoup plus immédiate que la lecture de l’Odyssée, et le système mathématique s’écroula. Aujourd’hui la secte de l’éducation réelle se retourne; elle ne veut plus, du moins elle le dit, proscrire le latin ni le grec; loin de là : elle demande que le latin et le grec soient enseignés d’une façon plus positive et, si l’on nous passe cette expression, plus corporelle. On sacrifie toujours les humanités, mais non