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qu’humiliante. Surpris au milieu de leur fuite par une tourmente de neige, poursuivis par les Grecs, ils laissèrent plus de la moitié des leurs sur la route ; 300 seulement parvinrent à regagner Salone. Les têtes de quatre beys, au nombre desquelles figurait la tête de Moustapha, furent envoyées à Égine ; trois cents crânes de soldats servirent à élever le trophée par lequel Karaïskaki consacra dans ce dervend, rival du grand dervend néméen, le souvenir non effacé encore de son triomphe. Le vaillant capitaine d’Agrapha ne s’arrêta pas d’ailleurs en si beau chemin. Il chargea les Souliotes d’aller assiéger Salone. Par cette démonstration, il devait attirer à lui les forces d’Omer-Pacha. Le théâtre de la guerre était déplacé. « Les Turcs qui bloquaient Athènes, écrivait l’amiral de Rigny le 1er  décembre 1826, ont dû faire un pas rétrograde, en même temps que les Grecs eux-mêmes évacuaient l’Attique. Ces mouvemens ont été le résultat du manque de vivres de part et d’autre ; ils se sont opérés sans coup férir. » Le pas rétrograde des Turcs n’avait pas cependant toute la portée que lui prêtait l’amiral. La citadelle d’Athènes était sans doute serrée de moins près ; elle n’était pas débloquée. Reschid n’eût pu évacuer l’Attique sans s’exposer à céder à Ibrahim l’honneur de la conquérir. Une pareille perspective était bien faite pour soutenir sa persévérance.

Le traité d’Akerman conclu le 6 octobre 1826 avait mis un terme à l’illusion qu’entretenaient les Grecs depuis cinq ans de voir une guerre éclater entre la Russie et la Porte. À la même date, un firman du grand-seigneur apprenait aux populations de l’empire que le sultan, cédant à des considérations impérieuses, avait bien pu se résigner à faire la paix avec les Moscovites, mais que rien ne pourrait l’obliger à souscrire à un arrangement avec les Grecs. « Les rebelles, disait le sultan, pourront disparaître ; leur pays nous restera. » L’ambassadeur d’Angleterre ne cessait de son côté de stimuler le zèle du fantôme de gouvernement qui siégeait à Égine. « Avant tout, lui faisait-il dire, ne laissez pas tomber l’Acropole aux mains des Turcs. Les puissances ne peuvent tarder d’intervenir en votre faveur, elles prendront nécessairement pour base de tout arrangement le statu quo. Si elles trouvaient les Turcs en possession d’Athènes, il serait fort à craindre qu’elles ne leur abandonnassent avec l’Attique, Négrepont et la Grèce continentale. » Largement approvisionnée par Gouras, l’Acropole ne manquait pas de vivres. Elle était exposée à manquer de poudre. Un des capitaines grecs qui en 1825 avaient aidé le prince Ipsilanti à repousser les Égyptiens des moulins de Lerne, Makriyannis, sortit de la citadelle le 29 novembre 1826 avec cinq cavaliers, força la ligne mal gardée du blocus, et, gagnant le camp d’Eleusis, alla demander du secours à Égine. Le