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pavillon, au mouillage de Salamine. Le 16 août, les opérations commencèrent. Un massif montagneux que traversait autrefois la voie sacrée sépare la plaine d’Athènes de la plaine d’Eleusis. Les Grecs franchirent pendant la nuit ce massif et prirent position sur le revers oriental, près du village de Kaïdari, à 1 mille environ des bords du Céphise, à moins de 3 milles de l’enceinte d’Athènes. Les troupes du pacha étaient encore dispersées. Suivant leur habitude, les palikares s’étaient empressés d’élever des tambours en pierres sèches pour se mettre à l’abri de la fusillade ; les tacticos voulurent combattre à découvert. Reschid fit avancer contre eux son artillerie. On se tirailla ainsi jusqu’au soir, avec une perte à peu près égale des deux côtés. Les palikares furent les premiers à rétrograder. Dès que les tacticos ne se sentirent plus soutenus, ils lâchèrent pied à leur tour. Tous s’en furent ainsi au pas de course jusqu’à Eleusis, demandant à se rembarquer, jetant armes et bagages, abandonnant deux canons et trois drapeaux aux Turcs. C’était une défaite, mais c’était aussi une leçon.

« Le lendemain, nous dit l’amiral de Rigny, je me rendis au camp du vizir. J’obtins la délivrance de quelques prisonniers étrangers à l’Attique. Quant à ceux de cette province, le pacha m’assura qu’il ne leur serait fait aucun mal, et qu’ils allaient être renvoyés dans les villages soumis. Je reçus ensuite la visite du séraskier et d’Omer-Vrioni, pacha de Négrepont. Par un concours fortuit, au moment où ils montaient à bord, arrivait aussi de son côté Karaïskaki. Ces chefs eurent là une entrevue assez longue. Karaïskaki trouvait dans la suite du vizir des Albanais qui avaient été autrefois ses amis ; des propositions de changer de parti furent sans doute échangées, mais sans résultat. Entre Albanais, tout cela est sans conséquence. »

Cet Omer-Vrioni, qui avait jadis séduit Odysseus, la plus haute renommée de la montagne, le fils d’un des héros de l’insurrection de 1770, était homme à tenter la foi de tous les capitaines grecs. Il devait sa propre fortune à la trahison. Mercenaire enrichi en Égypte pendant les troubles qui précédèrent la consolidation de l’autorité de Méhémet-Ali, il était un des lieutenans du pacha de Janina quand les armées turques s’avancèrent vers l’Épire. Il livra la passe de Metzovo, qu’Ali l’avait chargé de défendre, et obtint, pour prix de sa défection, le pachalik de Bérat. Plus fin que Mavrocordato, plus rusé que Tricoupi, il se fit un jeu de la crédulité de ces hommes d’état ; mais en 1823, les Grecs prirent leur revanche. Ils amusèrent Omer, devenu gouverneur de Janina, par de fausses promesses de défection, gagnèrent ainsi l’hiver et obligèrent le pacha déçu à se retirer sur Vrachori. Au printemps de 1825, Omer fut in-