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aux plus complexes de nos langues à flexions. Ils ont pour la musique, pour la poésie un goût inné, dont les germes se rencontrent chez les plus barbares de leurs tribus nomades, et qui a valu à la Finlande toute une littérature populaire, tout un cycle poétique indigène, avec une épopée dont les nations les plus avancées de l’Occident se feraient honneur. À ces qualités d’âme et de sentiment s’en joignent d’autres d’intelligence et de raison. Si les Finnois ont quelque parenté avec les Mongols, ils ont les vertus de cette race, qui, là où elle se trouve en lutte avec elle, soutient si bien la concurrence de la nôtre : ils en ont la solidité, la patience, la persévérance. C’est peut-être pour cela qu’à tous les pays, à tous les états, où ils ont formé un élément considérable, les Finnois ont communiqué une singulière force de résistance, une singulière vitalité.

Ces qualités se sont manifestées avec éclat chez les Magyars, qui en dépit de leur petit nombre ont maintenu leur domination entre les Allemands, les Slaves et les Turcs; elles se montrent modestement chez les Bulgares, le plus rude, le plus travailleur, le plus moral des peuples chrétiens de la Turquie, et si l’élément finnois a réellement joué un rôle important dans ses provinces occidentales, la Prusse lui doit peut-être quelque chose de la solidité, de la ténacité, qui ont fait sa fortune. En Russie même, les Finnois, loin d’être partout inférieurs aux Russes proprement dits, laissent voir parfois à plus d’un égard une réelle supériorité. Si rien n’est plus pauvre que l’izba d’un Tchouvache du Volga avec son toit d’écorce et son unique fenêtre, les maisons de bois des paysans de la Finlande sont plus vastes et plus commodes que celles de beaucoup de mougiks russes. Sur une terre plus ingrate dont le sol de granit suffit rarement à leur nourriture, ils sont plus travailleurs et plus économes, et se sont fait une juste réputation de probité et d’honnêteté. Il est seulement difficile de décider si cette supériorité morale des Finnois occidentaux doit être attribuée à la différence de race, ou à la différence de religion, ou simplement à un plus long et plus large usage de la liberté. Toujours est-il qu’au milieu des paysans finlandais, au menton rasé, aux vêtemens courts, le voyageur européen se sent moins étranger que parmi les paysans russes, qui lui sont plus parens par le sang. Le Finnois de Finlande a été favorisé par la liberté civile et politique; l’Esthonien, demeuré jusqu’au commencement du siècle serf du seigneur allemand, ne s’en montre pas moins par certaines qualités au-dessus du mougik russe. Plus travailleur, plus patient, il a été dans ces derniers temps appelé avec profit sur les terres de plusieurs propriétaires de Russie, et il s’est ainsi fondé plusieurs colonies esthoniennes dans les gouvernemens voisins de Saint-Pétersbourg, de Pskof et jusque dans la lointaine Crimée,. Enfin veut-on se rendre compte de ce que, sous l’influence des autres races et dans