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ses viennent les Polonais et, de l’ouest à l’est, toutes les nombreuses populations du sud de l’empire, un couple moldave de Bessarabie, un mourza ou prince tatar de Crimée, voisin d’un mendiant tsigane, une fiancée caraïte, fille d’un de ces Juifs, ennemis des autres, qui prétendent descendre des dix tribus déportées par Nabuchodcnosor, — deux colonistes allemands de la Nouvelle-Russie ou du Bas-Volga, encore aussi différens des Russes par le type et le costume qu’au jour de leur émigration. Au sud-est figurent les tribus musulmanes ou bouddhistes des steppes orientales, avec leurs traits asiatiques, leurs habits éclatans : Kirghiz portant la tubéteika, sorte de bonnet pointu, Kalmouks des gouvernemens de Stavropol et d’Astrakan, au visage complètement chinois, vêtus du bechmet de soie ou de velours aux couleurs les plus tendres. À côté est une femme bachkire d’Orenbourg ou de Samara, en khalat de drap rouge et coiffée du kachbaru orné de pièces de monnaie. À l’extrême sud se montrent les peuples du Caucase, les plus beaux du monde par les traits, les plus élégans par le costume ; c’est un marchand arménien en simple caftan noir, un de ces marchands établis dans le sud-est de l’empire, un Tcherkesse ou Circassien chaussé de maroquin rouge, portant le caftan garni de cartouchières et le bachlik de poil de chameau, qui sert tour à tour de capuchon et de manteau, — un Géorgien aux lapti de cuir, vêtu d’un arkhalouk et d’un tchokha aux longues manches brodées, fendues sur le devant. Une Mingrélienne en robe de soie bleu clair porte le letchaki, long voile de mousseline, et une femme kurde des bords de l’Araxe, en chemise de soie et en pantalon de satin rouge, a un anneau passé à travers les narines. L’Arménienne, en khalat vert, s’enveloppe d’un de ces immenses voiles dont s’entourent pour sortir les femmes du Caucase ; la Géorgienne en robe de satin noir, avec un corsage violet clair et un bandeau de brocart pour coiffure, danse en agitant un tambour de basque. Derrière la grande salle, dans une niche obscure, un groupe à demi nu des derniers guèbres de Bakou adore le feu sacré. L’impression bigarrée que donne ce musée, où un seul état offre tant de types humains, une simple carte ethnographique de la Russie la donne presque au même degré. Les couleurs ont à peine assez de nuances pour qu’on en puisse assigner une à chaque tribu, et par leur variété et leurs bizarres entrelacemens elles rappellent les cartes géologiques des pays aux formations les plus compliquées. Devant la carte de M. de Kœppen, comme dans le musée Dachkof, il semble qu’il n’y ait que confusion parmi les populations de ce pays, où la terre et la nature inanimée ont une telle unité.

Cette quantité de races diverses, qui semble si peu en harmonie avec elle, la configuration de la Russie l’explique. Sans frontière dé-