Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quant à la guerre qui se poursuit dans le nord, c’est là toujours évidemment la plus grosse difficulté pour l’Espagne. Le fait est que les troupes du gouvernement sont à peu près hors d’état de tenir leurs postes dans l’intérieur des provinces basques et de la Navarre, elles sont réduites à se retirer dans les villes, et même elles semblent maintenant serrées d’assez près à Bilbao. Le général Sanchez Bregua, qui commande dans ces régions, ne paraît pas beaucoup plus heureux dans ses opérations et ses marches que son prédécesseur le général Nouvilaz. L’impuissance de l’armée régulière a laissé toute liberté aux carlistes, qui comptent maintenant plus de 20,000 hommes sous les armes, et qui viennent d’obtenir un nouveau succès en s’emparant ces jours derniers de la petite ville d’Estella, assez avancée dans la Navarre. La ville s’est rendue au prétendant don Carlos lui-même. À vrai dire, les carlistes occupent à peu près complètement le pays ; ils ont des positions fortement retranchées qui leur assurent la possession de la frontière, où ils ont leurs dépôts d’armes, de munitions, d’approvisionnemens, et d’où il sera désormais difficile de les déloger. Ils établissent partout une sorte d’administration, des municipalités, et depuis l’entrée de « sa majesté le roi Charles VII » ils ont même un journal officiel, le Cuartel real. Les carlistes avancent lentement, il est vrai, ils ne sont ni appelés ni soutenus par le sentiment populaire ; ils s’étendent et se développent néanmoins, ils se rapprochent de l’Èbre, et sur certains points ils le dépassent. Du côté de Valence, ils se montrent à Castellon de la Plana, et la contrée montagneuse de Masztrazgo est si bien à eux que pas un soldat de la réserve n’a répondu à l’appel du gouvernement. Ils ont paru devant Morella, l’ancienne citadelle de Cabrera, Du côté de la Vieille-Castille, la bande de Velasco menace la ligne de Madrid à Santander, la seule par laquelle on puisse maintenant communiquer avec Bilbao et Saint-Sébastien, de telle sorte que d’un jour à l’autre les rapports entre le centre de l’Espagne et la France pourraient être coupés. Ils sont déjà suspendus par le chemin de fer du nord aboutissant à Irun ; ils viennent d’être interrompus en Catalogne dans la direction de Perpignan. Maintenir ou rétablir ces communications, c’est presque impossible aujourd’hui pour le gouvernement de Madrid, au moins tant qu’on n’aura pas de forces nouvelles à envoyer dans le nord.

Ces forces, on s’occupe, dit-on, de les constituer, le général Turon a été expédié en Aragon avec cette mission, et lorsqu’on aura réussi à pacifier l’Andalousie, on aura des troupes qu’on pourra employer contre les carlistes ; mais c’est toujours tourner dans le même cercle. Si on dégage trop vite l’Andalousie, on ne tardera pas à voir éclater des soulèvemens nouveaux, et dans tous les cas, en présence du développement des forces carlistes, c’(st désormais toute une campagne à entreprendre. Pour ouvrir cette campagne, de simples renforts ne suffisent plus, il faut une armée véritable, qu’on est bien loin d’avoir, et pour