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ceinture, les ouvrages de Saint-Denis, le fort de l’est, Aubervilliers, Romainville, Noisy-le-Sec, Rosny, Avron, et de plus on s’était couvert par des tranchées, des travaux, des batteries de campagne allant jusqu’à Drancy. Les lignes allemandes qu’on avait en face n’étaient pas moins solides. Elles s’étendaient de l’ouest au nord-est, du plateau d’Orgemont au plateau du Raincy. Elles formaient un réseau de défenses, échelonnées et habilement combinées, allant d’Orgemont à Montmorency, fermant dans l’intervalle la vallée d’Enghien, puis se repliant par un demi-cercle de hauteurs plus avancées, la butte Pinson, Pierrefitte, Stains, Pont-Iblon, Blancménil, Aulnay-les-Bondy, Sevran, Le Raincy. De là les lignes prussiennes rejoignaient au-delà de la Marne Noisy-le-Grand, Villiers, ou plus en arrière Gournay et Chelles. Dans la plaine de Saint-Denis, qui nous séparait, où l’on allait se porter, l’ennemi couvrait de ses feux toutes les routes, et il était en outre efficacement protégé par les deux petits cours, d’eau de la Molette et de la Morée, qui, en s’écoulant parallèlement vers la vallée du Crould, puis vers la Seine, formaient soit naturellement, soit par des inondations artificielles, de vastes marécages. Les Prussiens avaient enfin dans cette petite plaine un poste avancé, Le Bourget, qu’ils avaient gardé depuis le 30 octobre, où ils s’étaient fortement établis, et qui avait en effet pour eux de l’importance, puisqu’il couvrait la ligne de la Morée et les seuls passages qu’on pût être tenté de forcer. Là, comme partout d’ailleurs, les troupes d’investissement étaient disposées de façon à se porter secours rapidement. La garde prussienne, dont le quartier-général était à Gonesse, paraissait rester seule à la défense de ce front nord; mais au premier ordre elle pouvait avoir l’appui soit du IVe corps prussien, qui était vers Argenteuil, soit du XIIe corps saxon, qui était resté vers Noisy-le-Grand depuis Champigny. De toute façon, on pouvait avoir en quelques heures deux ou trois corps d’armée sur les bras.

Aborder l’ennemi dans ces conditions, prétendre l’attirer hors de ses positions pour le battre dans la plaine, c’était, à vrai dire, une entreprise des plus risquées, et malheureusement on ne s’assurait guère l’avantage du secret des préparatifs. Tout se faisait presque publiquement. Trois jours avant, un ordre du gouverneur prévenait qu’à partir du 19 décembre les portes de Paris seraient fermées, et le général Trochu adressait à l’armée une proclamation de plus. Les Prussiens étaient si bien en garde qu’ils avaient appelé une partie du IIe corps pour soutenir au besoin l’armée de la Meuse contre l’attaque qu’ils voyaient se dessiner. Au camp français, tout se disposait en effet pour cette sortie nouvelle, à laquelle devaient prendre part le corps de l’amiral de La Roncière. Le Noury, la