Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/985

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions se trouve ce malheureux gouvernement de Madrid ? Il n’est point arrivé encore à dompter d’une manière complète ce soulèvement qui s’est signalé par toute sorte d’excès, qui menace l’Espagne de dissolution, et déjà les députés de la gauche dans l’assemblée réclament impérieusement une amnistie pour les insurgés qui n’ont pas même déposé les armes. Ils parlent de quitter les cortès, de ne prendre aucune part à la discussion de la constitution qui se prépare, si avant tout on ne leur donne pas satisfaction. Le gouvernement, il faut le dire, tient bon jusqu’ici, il refuse l’amnistie, il a même demandé une autorisation de poursuite contre un certain nombre de députés qui sont allés se mêler à l’insurrection. M. Castelar, redevenu simple député, fait des discours pour prouver que ces mouvemens sont criminels, que toutes les idées d’émancipation et de progrès ne sont jamais réalisées dans ce qu’elles ont de possible que par des conservateurs. Malheureusement ce ne sont là que des paroles qui ne peuvent ni convaincre ni surtout désarmer les « intransigens » de Carthagène.

La meilleure chance pour le gouvernement est d’en finir le plus tôt possible par la force avec cette démagogie insurgée, de retrouver un noyau d’armée qui aura refait son apprentissage de fermeté et d’obéissance dans ces combats nécessaires. Seulement après avoir vaincu les insurgés de Séville et Carthagène, il reste toujours en face des carlistes dans le nord. Ici la lutte est bien autrement difficile, parce que les carlistes ont précisément ce qui manque à leurs adversaires, la discipline, une certaine unité de direction, une confiance accrue par de récens succès. Une chose pourtant devient de plus en plus frappante : soit qu’ils n’aient pas réellement les forces qu’ils se vantent de compter sous leur drapeau, soit qu’ils manquent d’argent, les carlistes ne gagnent pas de terrain en dehors des provinces du nord, ils n’ont fait aucun progrès sensible depuis l’arrivée du prétendant don Carlos, et s’ils n’avancent pas malgré tout ce qui a pu les favoriser, si surtout ils n’ont pas su profiter des dernières convulsions de l’Espagne du midi, de la désorganisation publique de tous les pouvoirs à Madrid, c’est que la cause carliste est évidemment impuissante, antipathique au sentiment populaire. Les bandes de don Carlos peuvent prolonger la guerre civile dans le nord, la difficulté pour elles est d’aller plus loin, de tirer parti d’une victoire de rencontre, de quelque succès tout local qui ne peut avoir une influence décisive. Qu’une réaction très énergique doive se produire au-delà des Pyrénées, c’est certainement vraisemblable, après les excès qui viennent d’ensanglanter le pays, au milieu de la désorganisation qui a été la triste suite de la république. Il commence à devenir fort douteux que cette réaction aille jusqu’au carlisme, parce qu’en Espagne comme par tout on ne revient pas à l’ordre en tombant de la révolution dans l’absolutisme, pas plus qu’on n’arrive à la liberté en tombant de l’absolutisme dans la révolution. CH. DE MAZADE.