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dans des circonstances difficiles, et, lorsqu’au début de l’année 1872 le Reichsrath se trouvait menacé de n’être pas en nombre, ils ne refusèrent pas d’y remplir leur mandat. Les tendances fédéralistes étaient alors assez sympathiques au ministère, et l’empereur François-Joseph désirait pouvoir accorder certaines satisfactions à la Galicie comme à la Bohême. Une commission nommée par la chambre basse élabora un projet de compromis qui formulait les principes suivans : il augmentait fa compétence de la diète galicienne (diète de Lemberg ou Léopol), il stipulait qu’un des membres du ministère cisleithan appartiendrait toujours à la Galicie, il déclarait que les dispositions contenues dans le compromis devraient être incorporées dans le statut provincial par un vote de la diète de Lemberg. Si ce projet n’accordait pas toutes les concessions réclamées par les Polonais, il n’en était pas moins conforme au système d’une large décentralisation administrative. Une question délicate restait toutefois à trancher. Les députés galiciens ne voulaient pas admettre que la loi destinée à étendre l’autonomie de leur pays fût subordonnée à l’insertion préalable dans le statut provincial. Ils tenaient en effet à se réserver la faculté de venir renouveler quelque jour leurs doléances dans la représentation de l’empire, et d’y revendiquer des privilèges plus étendus. Le ministère attachait au contraire beaucoup de prix à ce que les concessions fussent considérées comme un maximum qu’on ne pouvait plus dépasser, et qui mît fin à la « question polonaise » en Autriche.

La contestation n’était pas réglée lorsque le gouvernement présenta le projet de réforme électorale. Les Polonais de Galicie devaient la voir avec une répugnance marquée. Il y avait pour cela une raison spéciale qui tient à la situation ethnographique de la Galicie. À côté de 2 millions de Polonais, cette province renferme près de 2,100,000 Ruthènes. Ce sont les Polonais qui ont la supériorité au point de vue de l’aristocratie, de l’intelligence, de l’influence économique, financière et territoriale : ce sont eux qui dominent le pays et dirigent la diète ; mais les Ruthènes, qui diffèrent par la religion, par la race, par la langue, cherchent de leur côté à prendre une position politique. L’ancien système d’élection avait été favorable aux Polonais, qui, disposant de la majorité dans la diète de Lemberg, n’envoyaient au Reichsrath que des députés appartenant à leur nationalité. Ils craignaient que le suffrage direct des populations ne donnât tout à coup à la nationalité ruthène une importance inattendue, et c’est pour cela qu’ils demandaient avec tant d’insistance que le système des élections directes ne fût en aucun cas appliqué à la Galicie, alors même qu’il serait mis en vigueur dans les autres provinces cisleithanes. Obtenir une exception de cette nature n’était pas ehose facile, et l’on comprend que le ministère Auersperg, malgré les pressantes démarches des députés galiciens, n’ait pas voulu