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n’y a pas de raison pour refuser à la Bohême et à la Pologne autrichienne les satisfactions accordées aux Magyars. Pourquoi les villes de Prague et de Lemberg seraient-elles réduites à un rôle effacé, tandis que Pesth a pris le caractère d’une véritable capitale ? Comment peut-on prétendre que l’autonomie hongroise n’est pas un danger pour l’empire des Habsbourg, et que cet empire serait mis en péril par l’autonomie de la Bohême et de la Galicie ? Les fédéralistes concluent en combattant le dualisme comme une combinaison injustifiable en droit et en fait, puisque les 9 millions d’Allemands et les 5 millions 1/2 de Magyars de l’Autriche-Hongrie ne peuvent avoir raisonnablement la prétention de dominer un empire dont la population totale s’élève à plus de 35 millions dames ; ils ajoutent que la suprématie allemande est le résultat de combinaisons arbitraires, de majorités factices, obtenues en formant des collèges à part avec des communes allemandes qui seraient restées invariablement en minorité, si on les avait laissées mêlées aux groupes électoraux où dominent d’autres races.

Le comte de Beust, bien qu’il soit l’auteur principal du dualisme, n était pas, dit-on, très éloigné d’accorder de nouvelles concessions au système fédératif. Quand, sous la haute direction du chancelier de l’empire, le comte Hohenwart était à la tête du ministère cisleithan, c’étaient les idées fédéralistes qui semblaient devoir prévaloir dans les conseils du gouvernement, et on était entré à cet effet en pourparlers avec les hommes politiques de la Bohême et de la Galicie ; mais leurs prétentions parurent trop considérables, et il en résulta une réaction contre les tendances du ministère Hohenwart. Lorsqu’au mois de novembre 1871 M. de Beust fut envoyé comme ambassadeur à Londres, la nomination de son successeur au ministère des affaires étrangères, le comte Andrassy, fut regardée comme une nouvelle consécration du dualisme et comme un succès pour les Hongrois. Quelques jours auparavant, le comte Hohenwart et ses collègues avaient donné leur démission pour faire place à un cabinet composé de centralistes, dont la présidence fut conférée au prince Auersperg. Le rôle politique de cet homme d’état date de quelques années seulement ; après avoir servi dans l’armée impériale, il avait vécu dans la retraite jusqu’au jour où les grands propriétaires de Bohême le nommèrent leur représentant à la diète de Prague. Devenu peu après grand-maréchal de cette diète, il s était fait remarquer par un mélange de circonspection et de vigueur, et il ne tarda pas à se faire un nom dans le parti désigné en Autriche sous le nom de « parti libéral allemand. »

C’est le cabinet Auersperg qui a : élaboré la loi électorale récemment votée. Cette loi avait eu pour origine une résolution prise le 20 février 1872 par la chambre basse du Reichsrath en vue de parer aux abstentions systématiques qui avaient pour but avoué d’empêcher