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insensibles. Voilà le funeste scepticisme auquel il faut opposer le témoignage des sphinx dont nous parlons ici. La leçon est d’autant plus éloquente que par un singulier contraste, ces questions rebelles à toute sorte d’explication théorique et de représentation imaginative sont justement celles qu’on connaît le mieux empiriquement. La connaissance des effets n’y semble aucunement préparer celle des causes.

Ces réflexions s’appliquent particulièrement à l’hérédité. Le fait est que l’ovule renferme en sa substance, d’apparence homogène, non-seulement l’organisme anatomique de l’individu qui en sortira, mais encore son tempérament, son caractère, ses aptitudes, ses sentimens et ses pensées. Les parens déposent dans cette molécule l’avenir d’une existence identique à la leur au point de vue physiologique presque toujours, au point de vue pathologique souvent, et au point de vue psychologique dans plus d’une conjoncture. Ce sont les résultats des derniers travaux entrepris sur cette étonnante industrie vitale que nous nous proposons de faire connaître au lecteur.


I

L’hérédité est la loi biologique en vertu de laquelle les êtres vivans tendent à transmettre à leurs descendans un certain nombre des traits qui les caractérisent. C’est une question fort délicate que celle de savoir s’il faut mettre sur le compte de l’hérédité la transmission des formes anatomiques et des fonctions physiologiques dont le système constitue l’espèce. En tout cas, il est clair qu’ici la répétition des parens dans les enfans est complète et absolue. Sans cela, il n’y aurait point d’espèce, il n’y aurait que des successions d’êtres sans autres rapports que celui de la génération. Dans les limites historiques de l’expérience, la reproduction perpétuelle des caractères spécifiques, toujours identiques, c’est-à-dire l’intégrité permanente de l’espèce, est un fait à peu près hors de doute. Les caractères qui distinguent les races et les variétés se transmettent avec moins de régularités de fixité, et c’est précisément sur les transformations diverses qu’ils peuvent subir d’une génération à l’autre qu’une célèbre école de naturalistes s’appuie pour démontrer, avec plus ou moins de mesure, la transmutation des organismes dans la suite des temps. Plus irrégulière et plus variable encore est la répétition des caractères qui, moins généraux que ceux de l’espèce et de la race, peuvent être considérés comme propres à l’individu. Ainsi plus les caractères deviennent particuliers et spéciaux, plus ils échappent à l’hérédité, plus il y a de chances pour que les enfans diffèrent des parens. L’observation, et une