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On discutait beaucoup en ces derniers temps l’influence que les forêts exercent sur l’écoulement des eaux, sur les crues des rivières. À ce point de vue, elles ont eu leurs partisans et leurs adversaires. La question peut avoir une grande importance en pays de montagnes ; encore l’expérience a-t-elle prouvé que les prairies sont aussi efficaces que les plantations contre les dégâts que les eaux courantes causent sur les terrains en pente. En réalité, le bassin de la Seine est désintéressé dans cette discussion. M. Belgrand est d’avis que, si ce bassin fut jadis plus boisé, les crues du fleuve ne s’en sont jamais ressenties. Il pense que la législation n’a que faire de s’occuper du défrichement, du moins en ce qui concerne cette région de la France, et que l’intérêt personnel du propriétaire préserve suffisamment contre la destruction les forêts qui sont vraiment utiles ; mais il prêche en même temps le reboisement des terrains incultes. Il y a surtout deux zones sur lesquelles il serait désirable que la sylviculture prît davantage d’extension, ce sont l’oolithe et la craie. Sur l’oolithe, c’est assez facile, car les jeunes plantations y réussissent avec peu de soins. Pour la craie, le reboisement est un problème compliqué dont on ne surmonte les difficultés qu’avec beaucoup de précautions et de persévérance. Le seul arbre à feuilles caduques qui végète passablement est le marsault, dont les maigres taillis sont tondus au ras du sol tous les cinq ou six ans. La plantation d’essences résineuses a mieux réussi ; les pins sylvestres, quoiqu’ils restent longtemps chétifs, prennent à la fin une apparence robuste et se reproduisent ; en semis vigoureux, à moins cependant que le terrain reboisé ne soit livré à la libre pâture des moutons. Ces reboisemens transformeront ils à la longue les plateaux arides de la Champagne ? Bien qu’il soit téméraire d’y trop compter, les essais de ce genre méritent d’attirer l’attention.

En résumé, le bassin de la Seine se présente à nous avec une singulière variété d’aspects. Sauf le climat, qui partout est à peu près uniforme, on observe à chaque instant, en passant d’un canton à l’autre, des différences de sol, d’arrosement, de culture. Les routes et les chemins de fer qui sillonnent ce territoire en tout sens en ont rendu la population homogène, et cependant chaque province, en raison de ses aptitudes naturelles, s’en tient aux industries agricoles qui lui sont propres. Il est probable qu’il en sera toujours ainsi. La Champagne conservera la spécialité de ses vins pétillans, et la Bourgogne celle de ses vins généreux ; le Morvan aura toujours ses forêts, la Normandie ses pâturages, la Brie, la Beauce et le Soissonnais produiront du froment.


H. BLERZY.