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courantes, afin d’en tirer tout ce qu’elles sont capables de donner. M. Belgrand nous expose l’avant-projet d’une combinaison de ce genre qu’il proposait, il y a vingt-cinq ans déjà, au conseil-général du département de l’Yonne, et dont les travaux seront sans doute exécutés quelque jour.

Les rivières qui descendent du Morvan ont, après les pluies, des crues torrentielles de courte durée, crues peu dangereuses d’ailleurs, parce que les riverains, qui en ont l’habitude, savent s’en tenir à l’abri. Le reste du temps, le débit est si faible que des usines ne pourraient en profiter. Deux cours d’eau, l’Yonne et la Cure, servent au flottage à bûches perdues, ce qui est un mode de transport simple et économique dans un pays accidenté. Le Cousin et le Serein font marcher quelques petits moulins sans aucune importance. On s’est dit qu’il serait possible de donner à ces rivières un régime plus régulier au moyen de grands réservoirs dans lesquels on emmagasinerait les eaux surabondantes de la saison d’hiver. La terre du Morvan a peu de valeur; les matériaux de bonne qualité se trouvent sur place; les vallées présentent une succession de larges cirques et d’étranglemens où il serait facile de construire des barrages qui transformeraient en lacs les terrains d’amont. Ces réservoirs auraient un triple but : relever en étiage le niveau des rivières, et par conséquent venir en aide à la navigation, — irriguer les pâturages situés en aval, — fournir des chutes régulières dont l’industrie tirerait bon parti. Et encore ne compte-t-on pas ici les avantages qu’en retireraient les propriétaires riverains soustraits en partie aux dangers des inondations. On a vu que la création de grands réservoirs dans la partie haute du bassin serait un remède insuffisant contre les débordemens de la Seine à Paris : le Morvan ne reçoit pas moins de 1,600 millions de mètres cubes d’eau de pluie en une année, et nul ingénieur ne songerait à emmagasiner tout cela ; mais dans l’étroit bassin d’un affluent on peut retenir par un barrage 20 millions de mètres cubes, ce qui est considérable à proportion de la surface menacée par les crues de cet affluent. Une telle entreprise coûterait peut-être 1 million de francs et permettrait d’irriguer des milliers d’hectares qui n’ont en été pas même assez d’eau pour abreuver le bétail. La grande meunerie s’établirait alors dans la contrée fertile de l’Auxois, d’où l’insuffisance des moteurs hydrauliques l’écarté jusqu’à ce jour. Des barrages peuvent être exécutés, avec bénéfice pour l’agriculture aussi bien que pour l’industrie, dans les vallées du Serein, du Tournessac, de l’Argentalet, du Cousin, aussi près que possible de la limite du Morvan et de l’Auxois. C’est dans les cantons industrieux de la Normandie qu’il faut voir quelle puissance motrice sont les chutes des cours d’eau lorsqu’on sait s’en servir. Une petite rivière, le Cailly, qui