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propre à la boisson; en outre la nature intrinsèque du sol modifie la qualité des sources. Quelquefois les eaux acquièrent ainsi des propriétés médicinales, ce qui est très rare dans le bassin de la Seine. En général, elles empruntent aux terrains qu’elles ont à traverser des sels qu’elles conservent en dissolution. Les sources de la couche gypsifère qui s’étend de Meulan à Château-Thierry renferment une tt-Ile proportion de sulfate de chaux qu’elles ne conviennent nullement pour les usages domestiques. En dehors de cette région, toutes les sources du bassin, à peu d’exceptions près, sont réputées salubres. Les meilleures, au dire de M. Belgrand, sont celles des terrains arénacés, c’est-à-dire du granit, du terrain crétacé inférieur et des sables de Fontainebleau; viennent ensuite celles de la craie blanche, qui ont de plus le mérite d’être abondantes. Voilà pourquoi la ville de Paris a prolongé jusqu’aux vallées de la Champagne les têtes des aqueducs qui l’alimentent. On a déjà décrit dans la Revue[1] les beaux travaux exécutés dans ce dessein par M. Belgrand, il est inutile d’y revenir ici.

Sous le rapport industriel, les eaux ont un double usage. Les rivières servent au flottage et à la navigation, en outre elles fournissent, au moyen de barrages, d’innombrables moteurs. Il serait impossible de traiter d’une façon incidente la question des voies navigables, beaucoup trop négligée depuis que l’on construit des chemins de fer. Nous nous proposons d’y revenir plus tard et de montrer alors quels immenses services la navigation intérieure rendra aux riverains de la Seine quand les travaux indispensables seront exécutés. Comme force motrice, les cours d’eau ne sont guère mieux utilisés. Que l’on calcule, si l’on peut, quelle énergie représentent les crues! Quel est l’équivalent en chevaux-vapeur de ces masses liquides qui descendent à grande vitesse des montagnes à la mer? Lorsque l’industrie était encore dans l’enfance, les usines s’établissaient de préférence au bord des cours d’eau. Il n’y avait pas si petit ruisseau qui n’eût son moulin. Dans les villes, les rivières se ramifiaient en plusieurs bras sur chacun desquels se dressait une roue hydraulique. Puis est venue l’ère de la houille et de la machine à vapeur. On s’est exagéré les inconvéniens des moteurs hydrauliques, qui varient suivant la saison. On s’est dit que l’industriel, avec la vapeur, choisit sa place, à la portée d’un chemin de fer, dans les faubourgs d’une grande ville, tandis que la chute d’eau qui fournirait une force équivalente ne se trouve souvent qu’à la campagne, loin des marchés de production et de vente. Cet engouement pour les moteurs artificiels diminuera sans doute à proportion du prix croissant de la houille. On s’efforcera de mieux aménager les eaux

  1. Voyez, dans la Revue du 15 août 1867, les Distributions d’eau dans les villes.